DE L'ART ANCIEN AFRICAIN, DE L'ETHNOLOGIE ET DU MUSEE: POUR UN RECENTREMENT DE L'ESTHETIQUE...
Au
commencement était la nuit. Une longue nuit pour l'esthétique
africaine. Ce fut le règne sans partage du musée dit «de séries»,
véritable vitrine du colonialisme, de confession évolutionniste et dont
l'approche contextualiste célébrait l'Etrange, chantait l'Aventure et
la Science. A cette époque point d'« objets », que des curiosités,
trésors de guerre et pièces de laboratoires de chevronnés «
Civilisateurs ». Il n'était pas rare alors, de voir des sculptures
côtoyer dans les vitrines : cornes, peaux de bêtes et autres feuilles
de palmier. Puis, il y eut le regard affûté d'une jeune génération
d'artistes particulièrement douée et par ailleurs cruellement blasée,
en quête de médecine pour un art européen las de son académisme figé.
Cette génération vit dans ce fouillis les moyens d'une rédemption...
Une
certaine révolution est venue corriger l'évidente injustice, consacrant
depuis le siècle dernier des expositions à caractère esthétique pour la
production africaine. Désormais, les objets, dans une dramaturgie
suggérée par les seules qualités plastiques, invitent à un rapport
nouveau. Exit la surabondance, la cacophonie et le "meurtre du vrai"
que génère la tentative bancale de reconstitution de l'ailleurs
fantasmé. Ici on ne rejoue pas le film de l'heureuse rencontre avortée
entre "civilisés" et "primitifs". Nous avons les vrais Stars que sont
les objets, mais d'une histoire dont le scénario n'est pas écrit. Tout
le génie de l'architecture et de la scénographie d'exposition étant,
dans une juste science de l'espace, du temps et de la lumière,
l'affirmation d'une présence-absente au service exclusif du confort des
visiteurs et du discours des oeuvres d 'art. La rencontre n'étant plus
tramée, l'oeuvre est laissée libre de dire ce qu'elle veut et
l'observateur d'en prendre une possession libre et vraie.
« Qu'il
s'agisse des tableaux, des statuettes, des oeuvres d'art, le principe
est toujours le même : concentrer le regard sur l'oeuvre elle même. Le
musée est fait pour mettre les oeuvres d'art en valeur et éviter la
fatigue physique et intellectuelle au visiteur » Louis HAUTECOEUR.
Et
le « Musée d'Art Africain » a ainsi fini de rejoindre le rang des
autres musées d'art pour remplir son véritable rôle : s'effacer, se
taire. Ceci à n'en point douter est une victoire pour l'esthétique
africaine. Mais, si le musée et les espaces d'expositions semblent
avoir enfin pris conscience de leur mission (le tour de force
d'exprimer leur neutralité), le visiteur, lui, n'a pas toujours cette
innocence à laquelle invitait il y a un siècle déjà, le Manifeste de la
peinture et de sculpture Futuriste :« Le public doit aussi se
convaincre que pour comprendre des sensations esthétiques auxquelles il
n'est pas habitué, il lui faut oublier sa culture intellectuelle, non
pour s'emparer de l'oeuvre d'art mais pour se livrer à elle éperdument
».
Se livrer à l'oeuvre !
C'est là, généralement, la difficulté de l'observateur occidental. Face
à l'objet africain, une surprenante incapacité à mettre sous boisseau
le " savoir déjà su" pour risquer l'aventure, la vraie: synonyme de
Découverte, d'Inconnu, de Partage mais surtout d'Etonnement. Cette
difficulté est une réelle souffrance que nous nous proposons ici de
mettre en lumière.
Il est clair qu'un certain public, va encore dans les musées d'art africain pour voir du
«
Sauvage ». Mais quand, point de sauvage il ne trouve à se mettre sous
la dent , l'observateur occidental lambda, désemparé, interroge ; comme
le montre cette réaction, glanée dans le livre d'or d'une récente
exposition:
« Expo comme
trop souvent esthétique et esthétisante mais bien peu anthropologique
et anthropologisante ! Bien peu d'explications de supports pour
comprendre un peu plus profondément ! A quand cette révolution
muséographique ?».
Nous avons pris la liberté de répondre:
«
Anthropologie ! ethnologie ! tribalogie !sauvalogie ? Dès qu'il s'agit
de la production africaine, pourquoi cette toujours, systématique et
seule quête abstraite et maladroite d'exotisme ? Demandons-nous un
habillage anthropologique quand nous allons visiter les antiquités
grecques au Louvre ? Ceci est un musée d'ART. A quand des commentaires
sur le formidable apport des arts nègres à l'enrichissement de
l'univers plastique et sa contribution à l'édification de l' "esprit
moderne" ?».
« Objet muséal » ou Art ?
« Qu'est-ce que voir ? C'est voir le monde.
Qu'est-ce que le monde ? C'est ce que nous voyons ». (Merleau-Ponty)
« Les poésies ne sont pas faites d'idées, mais de mots » (Mallarmé)
Pourquoi
continue-t'on de demander aux objet africains de ne dire que "moeurs
étranges" et "réminiscences de pratiques d'un autre âge" ?
La sorte
de Complexe qui s'ignore totalement, et qui, se découvrant cruellement
au détour de notre questionnement, cherche à rationaliser ce qui ne
peut l'être, offre généralement une argumentation à double tranchant
dont la lame la plus érodée coupe en ce sens:
Ces
objets n'ayant pas été faits dans une démarche artistique (entendez que
les auteurs n'étaient pas guidés par une volonté de faire de l'« art
»!) peut on les considérer comme art ? Une société qui produit des
objets à valeur cultuelle , des outils servant « uniquement » à fixer
la tradition est t-elle une société d'art au même titre que celle là
"efficiente" de son «faire» ? N'est-il pas irrespectueux pour ces gens
de faire rentrer leurs créations dans des schémas typiquement
occidentaux et de les dépouiller ainsi de leurs valeurs hautement
fonctionnelles et spirituelles ?
La
rhétorique qui s'épand en longues litanies, qu'elle en ait conscience
ou non, vient là de consacrer ce qui n'est autre chose que de la
Négation d'Art. Nous ne le savons que trop bien, quand on évacue l'art
on commence d'évacuer l'«humain», alors nous nous empressons de mettre
les choses au clair.
1- Si un
objet qui a une destination cultuelle et qui est régit par la tradition
ne rentre pas dans le domaine artistique ; alors il n'eut pas vraiment
d'art en Egypte, en Grèce, en Mésopotamie etc. Il n'y eut peut-être pas
d'art nulle part dans le monde avant l'«ère moderne».
Inutile de
dire que ce sont d'abord des pièces, et non les sociétés et leur
pensée, qui sont présentées et l'objet de l'analyse artistique. Nous
précisons aussi que les différents canons africains ne trouvaient pas -
c'est bien loin d'être le cas - leur expression uniquement dans le
religieux et le « purement fonctionnel ». S'agissant de peignes à
cheveux, d'appuis tête, d'ustensiles de cuisine, d'instruments de
musique, le fait que l'artiste mette toujours un point d'honneur à
sublimer ces objets, rend caduque l'argument qui nous est opposé, le
délire qui tend à faire croire que le faire africain était au service
exclusif du religieux.
2- Nous
mettons quiconque au défi ne nous prouver que le sculpteur dogon, le
bijoutier akan, le tisserand kuba, ou l'architecte musgum n'a pas
conscience de faire du beau..., ne cherche pas à faire du beau.
La thèse du « hasard » est définitivement une insulte pour l'imaginaire africain et participe de l'esprit infantilisateur.
Nous
diagnostiquons un haut degré d'esthétique, qui n'est pas faite non
seulement pour contenter l'esprit humain, mais pour, et surtout,
séduire le divin, une supra-esthétique en quelque sorte. L'artiste joue
de codes très complexes qui, au prime abord, ont construit le mythe de
la maladresse infantile congénitale du Nègre mais qui, à la lueur d'une
analyse sérieuse, révèlent une mesure très intellectualisée du monde.
L'existence d'écoles différentes et le témoignage de concurrences entre
sculpteurs nous prouve que les africains avaient l'intuition et la
science du beau, la cultivaient et rivalisaient pour l'amener à son
plus haut niveau.
3- Les
pièces africains ne sont pas « des objets fabriqués », dans le sens où
ils ne sortent pas d'une chaîne de production , ni ne peuvent se
réduire à une pratique simpliste artisanale. Le caractère sacré même de
la destination en fait, des objets qui ne peuvent être vides de
dimension humaine. Comprenez bien : la conception de la Religion
Africaine est incompatible avec une quelconque « faire » standardisé,
fonctionnel (dans le sens rationnel) ou décoratif.
Même si les
canons sont régis par une tradition, celle ci ne les fixe pas. Le canon
n'est pas MODELE, il est CONCEPT. Le sculpteur africain ne copie pas,
il ne reproduit pas. Le « classique » est le cadre à l'intérieur duquel
toutes les interprétations, innovations et expérimentations liées au «
faire » sont possibles. Ce que nous disons là est très important. Le
canon est définitivement intégré; il crée les conditions générales du
langage, mais le sculpteur le restitue comme il l'entend, du mieux
qu'il peut en faisant confiance à son sens profond et intime de
l'«accord». Il « dépose toujours, inconsciemment, une partie de lui
même dans son oeuvre » (Cheik Anta DIOP). Cela à n'en point douter est
de la CREATION.
4- C'est le
plus important: on ne juge pas un objet d'art sur l'intention de l' «
artiste » ni sur sa rhétorique. On juge un objet d'art à posteriori,
sur ce qu'il apporte comme questionnement, innovation, sur la
pertinence de la démarche (consciente ou non, raisonnée ou non, dirigée
ou non) de l'auteur et sur les horizons nouveaux qu'il ouvre à l'esprit
et au sensible.
Est art ce qui parle à l' «Humain». Et de ce point
de vue la production africaine fait sûrement partie de ce qui aux
niveaux historique et expérimental (en situation) a et continue de
satisfaire le mieux à la définition, tant les solutions plastiques ici
sont radicales.
On a tendance à penser le contraire, mais la
complexité de la conception moderne du « fait d'art » n'a rien changé à
cette assertion. L'urinoir de Duchamp n'est pas art parce que Duchamp
l'a décrété (même si c'est vrai, l'homme l'a décrété). Cet objet se
trouve aujourd'hui au MAM parce qu'ils, l'oeuvre et la démarche de
l'auteur, interrogent tout ce qui a été fait jusque là. Il marque une
rupture. Il est « une dynamique » . Il en est de même pour les
agitations nihilo-subversives de Dada et les « photocopies » de Warhol.
De fait une simple chaise devient un objet d'art si elle transcende la
seule destination fonctionnelle et qu'elle devient le siège d'une force
incoercible. Alors peu importe ce qu'en dit le menuisier. Qu'il crie
haut et fort qu'il n'a pas voulu faire de l'art n'y change rien.
L'objet ne lui appartient déjà plus, il rentre automatiquement dans le
giron de la création humaine. Ajoutons qu'un concepteur ne trouvera
sûrement nullement irrespectueux de voir son produit consacré, surtout
que le sacre n'est pas "volonté", il est "évènement" dont il s'agit de
prendre acte.
Bref, le fait artistique est LA caractéristique du
Genre Humain et la valeur ontologique des particularismes artistiques
n'appartient pas en propre aux sociétés qui les génèrent (ou si vous
préférez ne sont pas leur bien exclusif).On ne peut donc pas se fonder
sur la conscience (ou la volonté consciente) que ces sociétés aient eu
de leur participation au TOUT, de même qu'on n'a pas besoin de leur
demander caution pour prendre possession du legs (nous ne parlons pas
ici de possession matériel vous l'aurez compris).
Conclusion
: l'art africain est définitivement de l'Art. Un art qui a nourrit la
peinture et la sculpture mais aussi l'architecture moderne, le design,
la mode. Tous ont bu à la source. Comprenez bien : des lignes pures de
votre table IKEA, jusqu'aux motifs géométriques de votre papier peint
en passant par la coupe droite de votre costume, tous doivent à cette
esthétique « sauvage » et « enfantine ».
Mais,
bien sûr, l'observateur occidental décidément bien résolu à ériger de
toutes pièces, entre lui et l'objet africain, ce pont qui sépare plus
qu'il ne relie, persiste dans sa quête obsessionnelle en servant
généralement la deuxième interrogation que voici :
Et l' « arrière plan » ? N'est il pas tout simplement « inconcevable », et à proprement parler insultant pour les
"
artistes" (!!!) d'exposer ces oeuvres sans chercher à connaître les
cultures et les modes d'exister dont elles sont l'expression ? Cette
réduction n'est elle pas tout simplement aussi grave que la négation
d'art ?
Ce deuxième argument
qui prend des allures d'un humanisme plus ou moins étrange a au moins,
nous le reconnaissons, le mérite d'une pertinence dont le premier était
complètement dénué.
Nous répondons : Loin de nous l'envie de
reproduire ici le polémique-débat sur du rôle du musée. Nous dirons
juste que même si nous ne pensons pas que le musée doivent se faire le
porte voix du projet ethnologique (celui ci ayant d'autres modes
d'expression qu'il peut investir: livres, documentaires, exposés, média
etc.), nous reconnaissons qu'il est indispensable qu'un minimum
d'information vienne "éclairer" la compréhension.
Il s'agit de ne
pas oublier que Musée est fils de «Mnémosyne» ( déesse de la mémoire),
elle même fille d'«Ouranos» (le ciel) et de "Gaia" (la terre) ,
comprenez :
« fille de l'inspiration poétique ET de la
connaissance ». Les préocupations historique et scientifique, ne
sauraient donc être évacuées de l'espace muséographique. Le
renseignement devient d'autant plus indispensable qu'il s'agisse
d'objets d'"ailleurs" (de fait nous préférons dire "information" plutôt
que "lecture anthropologique"). Pédagogie et savoir ont donc tout à
fait leur place dans le programme muséographique. La chose est
désormais admise et la réflexion moderne sur le musée l'intègre
complètement, les modalités d'exécution achoppant sur la proportion et
les moyens d'introduction de l'Information, donc des modalités
pratiques. Vidéos projections, bibliothèque intégrée, cartels
informatiques etc. sont au coeur de nombreuses expérimentations devant
donner naissance au "musée de demain": le Modèle Hybride. Le but étant
d'arriver à concilier raisonnablement culture "scientifique" et
délectation esthétique sans que cela devienne déroutant pour le
visiteur (L'espace Arts d'Afrique et d'Océanie du Louvre est une
tentative avortée, mais le très attendu Musée du Quai Branly promet
d'éditer la performance). Le reste est question de volonté et de parti
pris muséographique mais aussi, contraintes liées au parcours,
séquences, maîtrise de l'acoustique etc. donc affaire d'architectes et
autres muséographes.
Ainsi la
démarche qui tendrait à donner à l'ethnologie droit de cité dans le
musée est tout à fait légitime, respectable et souhaitée pour peu
qu'elle n'entre pas en conflit avec la dynamique muséographique . Les
Africains, les premiers, dans le besoin qu'ils ont de se construire,
sont demandeurs d'"informations". Mais il semblerait que le public
occidental ne soit pas guidé par des aspirations du même ordre. Alors,
même si nous sommes d'accord, en principe, avec la demande exprimée,
qu'on nous permette d'en questionner l'esprit, au risque de porter un
jugement d'intention qui à l'épreuve des faits nous apporte tout de
même un crédit certain.
D'un déficit d'innocence ou la complexité du "Oui léger"
«
Que venons-nous chercher, désormais aussi souvent et à l'égal des
autres musées, dans ceux qui présentent des objets venus d'Afrique,
d'Océanie, de l'Amérique indienne ou d'Asie du Sud-Est ? Pas tout à
fait la même chose que dans les autres musées. (Oeuvres ou curiosités )
Henri GODARD
« Ce que je
désire et que j'attends sans préjugé ni impatience, ce que mon
ouverture, mon approbation va faire venir est de ce monde, et tout
près, là : sous mon regard. »
Bruno-Nassim ABOUDRAR
Il
s'agira ici d'analyser les travers d'une demande que nous soupçonnons
ne pas refléter la simple critique muséographique. C'est l'innocence de
la demande et à un autre niveau, la réception de l'information
ethnologique que nous questionnons. C'est à l'inavoué ( ou, à leur
décharge, à l'insu) des différents discours auquel nous voulons
arriver.
Nous avouons clairement que nous soupçonnons la demande
exprimée de ne pas refléter la simple critique muséographique mais de
dire autre chose. C'est l'innocence de la demande et à un autre niveau
(plus inquiétant celui-là) de la démarche ethnologique que nous
questionnons. C'est l'inavoué ( ou à leur décharge, l'insu) de leur
discours et de leur but auquel nous voulons arriver. Que cache la
demande anthropologique ?
C'est un anthropologue qui le mieux nous
éclaire là dessus. François LAPLANTINE est directeur du département
d'anthropologie de l'université de Lyon II et à la page 45 de son
ouvrage "L'Anthropologie" il nous apprend ceci:
«
Tous les discours que nous venons de rappeler, et en particulier ceux
qui exaltent la douceur des sociétés « sauvages », et corrélativement
fustigent tout ce qui appartient à l'Occident, sont toujours
d'actualité. S'ils ne l'étaient pas, ils ne nous seraient plus
directement accessibles, ils ne nous parleraient plus. Or, c'est
précisément à cet imaginaire du voyage, à ce désir de faire exister
dans un « ailleurs » une société de plaisir et de bonté, bref une
humanité conviviale dont les vertus s'étendent à la magnificence de la
faune et de la flore, que l'ethnologie doit auprès du public une grande
partie de son succès »
Nous y
voilà ! Des livres entiers ne suffiraient pas à analyser le latent de
ce discours. Monsieur LAPLANTINE poursuit: « Une grande partie du
public est infiniment plus disponible qu'auparavant pour se laisser
persuader qu'aux sociétés contraignantes de l'abstraction, du calcul et
de l'impersonnalité des rapports humains, s'opposent des sociétés de
solidarité communautaire, bercées par la somptuosité d'une nature
généreuse ». (L'exaltation de la « nature somptueuse et généreuse » est
symptomatique chez l'occidental de quelque chose que nous espérons
avoir l'occasion, un jour de développer).
Nous
voyons donc que ce qu'on nous demande ici c'est du rêve (le mot doit
être saisi dans toute sa dimension). Car que voit en fait l'observateur
occidental quand devant un masque africain, il se retrouve ? Il voit :
lueurs de torches, obscurs cérémonials, procession de femmes et
d'hommes nus et nuit. Il voit danse, il voit transe .Il voit SON
afrique. il SE voit lui même. Bref il voit tout sauf l'objet «masque».
Le
visiteur, le plus aguerri à l'observation, peut en arriver presque
sciemment et de manière très raisonnée à justifier une limitation de
l'appréciation artistique, ici complètement assumée et contrôlée. Henri
GODARD dans son ouvrage "L'expérience existentielle de l'art", dans un
chapitre où il nous entraîne au Musée des arts africains, océaniens et
amérindiens de Marseille, confirme, par ce frein étonnant qu'il semble
opposer à la lecture innocente de ces oeuvres d'un autre temps qu'il y
découvre : « Mais ces masques étaient faits, non pour être regardés,
mais pour être portés dans des cérémonies ou des danses rituelles.
C'est pourquoi ils n'ont ni ces indications de pupille, par peinture,
incision ou incrustation, qu'ont parfois les statues, ni même la cornée
vide des autres. L'exposition du masque dans le musée opère de même un
renversement par rapport à sa fonction première ».
Ici nous nous
observons une manifestation à un niveau plus complexe, plus
intellectuel des « mécanismes d'opacité » face à l'art africain. Nous
ne sommes pas en face du visiteur moyen qui se laisse déborder par
l'appel des tam-tams et de la forêt cannibale aux milles promesses
aventurières, monde vaporeux s'il en est, véritable chef d'oeuvre de
l'architecture ethnologique. Nous avons affaire à un observateur rompu
à l'exercice esthétique, qui décèle assez naturellement les qualités
plastiques de la production africaine ; mais qui, on se demande bien
pourquoi, s'empresse aussitôt de brider, par une urgente
intellectualisation de la pensée, son « aller vers l'objet ». La
dialectique rationnelle occidentalo-occidentale se déploie dans toute
sa verve pour nous expliquer que les africains travaillent et font plus
qu'ils n'oeuvrent.
Ainsi à en croire Henri GODARD - et c'est là, à
n'en point douter, une assertion largement partagée par les
"spécialistes" - il y aurait deux fonctions à l'objet africain. La «
fonction première » : la vraie, la sauvage , celle là essentiellement
fonctionnelle (une fonctionnalité qui, il faut le préciser, n'est elle
même que vacuité dans l'esprit de l'occidental puisqu'aux antipodes de
ce à quoi la définition moderne progressiste a consacré la chose). Et
une autre fonction : intelligible, celle que consacre le musée en lui
accordant un traitement d'art. L'observateur occidental " intelligent
et prudent" se sent donc obligé au musée d'art africain de faire taire
(ou du moins de nuancer) la reconnaissance esthétique à laquelle
pourtant hurle le travail de l'artiste africain « par respect ». Une "
résistance " du même ordre que ce qui amène un GOMBRICH à mettre art
entre guillemets quand il fait référence à la production « primitive ».
Cette approche qui se veut, qui se croit scientifique, nous l'avons
démontré plus haut, dépossède l'Africain de tout contrôle sur "le beau"
qu'il produit de façon inopportune. Cette tendance a une hiérarchie
recèle les mêmes germes qu'une théorie déjà menée il y a un siècle et
demi par un certain Comte de GOBINEAU :
« Ainsi le nègre possède
au plus haut degré, le faculté sensuelle sans laquelle il n'y a pas
d'art possible ; et, d'autre part, l'absence des aptitudes
intellectuelles le rend complètement impropre à la culture de l'art,
même à l'appréciation de ce que cette noble application de
l'intelligence des humains peut produire d'élevé. Pour mettre ces
facultés en valeur, il faut qu'il s'allie avec une race différemment
douée » (Essai sur l'inégalité des races humaines, Livre II)
On
nous pardonnera d'avoir mis les remarques de Monsieur Henri GODARD en
parallèle avec les malheureuses spéculations de GOBINEAU, mais il est
important qu'on comprenne que dans la mesure de l'Africain, l'Occident
avec toute la bonne volonté dont il peut sembler faire montre, continue
à faire du surplace.
Nous
disons que le masque africain est bel et bien fait, d'abord et avant
tout, pour être vu. La danse est la mise en scène qui permet au beau
d'ÊTRE en puissance, d'atteindre son niveau supérieur de perception, de
s'exprimer et de générer la communion autour de l'UN, bref de
construire le TOUT. La relative simplicité, les libertés prises ave le
naturel ne servent pas la fonction (au sens positiviste ). La danse est
au service du masque et non le contraire; tout comme le Musée est au
service de l'Art. La danse célèbre le masque. Cela l'anthropologie aura
semble-t-il toujours du mal à le comprendre.
L'intelligence,
la pertinence du discours matérialisé échappent ainsi complètement à
l'observateur occidental, trop distrait qu'il est par l'effort
inconscient et mécanique qui vise à raviver l'Afrique fantasmée ou par
cette démarche maladroite qui consiste à vouloir dire ou faire dire
l'Africain (objet qui apparemment continue à lui échapper). Cette
Afrique construite de toute pièces par des schèmes de pensée, fruits de
rapports malhonnêtes des deux côtés. Cette vision qui n'est que cécité,
a un nom: EXOTISME .(Nous reviendrons sur les mécanismes de la demande
et de l'offre exotique).
Le
savoir anthropologique est la base sur laquelle s'est définitivement
édifiée, la méta-structure fantasmatique - profondément ancrée dans
l'inconscient occidental et qui s'invite à l'occasion des tête à tête
qui raidit (dans tous les sens du terme), corromps et définit les
règles de la perception. Le manque d'innocence (la quête exotique)
qu'elle provoque - caractéristique de l'approche occidentale des
oeuvres d'art africains - se cristallise en une complexité du « oui
léger » qui est certainement un danger plus grand. L'habillage
ethnologique consacrée en science s'érige en une supra-culture
indiscutée qui nuit à une certaine autonomie de l'art. Cela fait partie
- avec d'autres comme : « l'évaluation, l'identification rapide des
mérites et défauts, la prospective et le pari » - de ce que
Bruno-Nassim ABOUDRAR appelle la
« Contingence » caractéristique des « agencements intellectuels »
(«
systèmes de rapprochement » qui éloignent complètement des oeuvres) et
dont les effets, hautement complexes, sont : « la difficulté de
l'intimité à l'art » :« une difficulté à se maintenir dans l'ouverture,
à attendre sans préjuger mais non pas sans désirer, que le prochain de
l'oeuvre se manifeste. »
d'œil.
Laissons Maurice BLANCHOT nous
rappeler ce devrait être la Lecture (l'approche littéraire et
artistique) : la simplicité du oui léger et transparent :
« Le mot
faire n'indique pas ici une activité productrice : la lecture ne fait
rien, n'ajoute rien ; elle laisse être ce qui est ; elle est liberté,
non pas liberté qui donne l'être ou le saisit, mais liberté qui
accueille, consent, dit oui, ne peut dire que oui et, dans l'espace
ouvert par ce oui, laisse s'affirmer la décision bouleversante de
l'oeuvre, l'affirmation qu'elle est, et rien de plus » (L'espace
littéraire, p.258)
Ces quelques mots sont peut être les meilleurs
qui aient été écrits sur le respect auquel invite " l'oeuvre". Comment
retrouver cette liberté « qui accueille, consent, dit oui » ?
Comment retrouver cette liberté « qui accueille, consent, dit oui »? Comment
«
restituer l’intimité »? La médecine d' ABOUDRAR, prescrite contre la
crise actuelle de l'Art en général, est cruellement plus urgente pour
l'art africain :« Il faut d'abord restaurer le caractère absolument
singulier, solitaire et intime de l'expérience esthétique. Elle est
l'expérience d'un lien, né du désir d'art. Seul le désir de voir me
fait parvenir l'oeuvre, qui sans lui, peut rester absente, en face de
moi. Aussi, l'expérience de l'oeuvre d'art, comprise comme un désir,
est-elle, avant d'être une connaissance de l'oeuvre, une expérience
intérieure ».
Ici l'intérieur
s'oppose à un extérieur du su et de la culture car « Notre culture
inhibe en chacun de nous l'exercice esthétique ». Ainsi donc :« La
relation à l'art peut être, et doit redevenir, quotidienne, sinon dans
sa fréquence, du moins dans sa manière. Cessons de formuler à tout
instant et pour toutes oeuvres des exigences à la hauteur des seules
contraintes que nous nous imposons. ».
Si
notre intuition est que l'art africain ne soit prisé pour lui même mais
pour les fantasmes qu'il génère, notre crainte résolument fondée est
que la chose, de par ses allures trompeuses de savoir, ne finisse
d'éroder la « simplicité » et la « transparence » - gages de
l'expérience esthétique heureuse - de la rencontre entre l'observateur
et l'art ancien africain.
François LAPLANTINE confirme les travers
d'une certaine réception du savoir anthropologique en indexant ces «
différentes constructions en présence (dans lesquelles, la répulsion
est toujours prompte à se transformer en en fascination) de cette
altérité fantasmatique qui n'a vraiment pas grand chose à voir avec la
réalité ».
Nous en arrivons à
conclure que la demande ethnologique n'est pas l'expression d'un manque
scientifique, mais bien d'un manque onirique. Il est tout simplement
(du point de vue africain), tristement dommageable que cette terre à
travers son héritage artistique, du fait de la référence
anthropologique, nourrisse un imaginaire abstrait et rigide, plus ou
moins en décalage avec les réalités et les urgences d'un continent
entier et en fracture avec sa conception de l'histoire partagée. Le
préjudice pour l'art lui même est considérable, d'être un prétexte et
de perdre dans l'appréciation de l'observateur sa valeur ontologique.
Paul
GUILLAUME, qui avec Guillaume APPOLINAIRE, forme à n'en point douter la
paire d'esprits les plus lucides et de sensibilités les plus éclairées
que les questions d'esthétique aient connues au début du XXme siècle,
avait lui aussi mis le doigt sur le manque évident d'innocence:« Les
imaginations trop civilisés et fatiguées éprouvent le besoin d'adorer
la force rude du primitif, rêvent du noble sauvage et lui attribuent
des vertus mythiques. Le fétiche africain leur sert d'excuse à rêver de
profondes forêts mystérieuses, de tam-tams et d'étranges incantations,
de noirs guerriers et de leurs voluptueuses compagnes ». Il n'avait
alors manqué de manifester son scepticisme par rapport à la consistance
de cette approche et de mettre en garde contre le tort qu'elle pouvait
causer à l'analyse scientifique de la plastique :« Pour délicieuses que
soient de telles rêveries, elles n'en constituent pas moins une espèce
de jouissance tout à fait différente de celle que nous donnent les
mérites d'un objet, envisagé comme oeuvre d'art ».
Nous
disons que le « faire » africain souffre, depuis trop longtemps, du
regard essentiel et essentialiste ethnologique pourvoyeur de mythes
particulièrement néfastes à l'identité africaine. Il est d'autres
dangers de l'ordre du viol par anticipation inhérent à tout fantasme.
Bref,
en réalité la nécessité qu'on nous oppose de "faire dire" les objets
est une fuite en avant du visiteur, et bien trop peu souvent une soif
de "vérité vraie". Nous assistons à une exaltation de la science
anthropologique et à une vénération du personnage de l'anthropologue (
sorte de savant aventurier des temps modernes qui, seul, sait
communiquer avec les "sauvages", s'attirer leur confiance et pénétrer
leurs secrets) . Face au manque évident de questionnement de la
sacro-sainte vérité anthropologique et de la rigueur de sa démarche de
la part de l'observateur occidental, notre connaissance de l'histoire
de la discipline, nous invite, nous, à la prudence.
A ce propos, ce qui suit finit de construire notre méfiance:
«
Si cette recherche du dernier mohican, cette ethnologie du Sauvage du
genre « vent dans les palmes de cocotier »(qui est fait une ethnologie
sauvage) contribue à la popularité de notre discipline, elle n'est pas
absente des motivations des ethnologues eux- mêmes » (L'anthropologie,
page 46)
Cette fois-ci ce
n'est plus le « rêveur » qui est en cause mais le faiseur de rêves en
proie lui même à un abandon onirique frisant la possession. Et l'auteur
de citer Malinowski (« père fondateur de l'anthropologie scientifique
moderne ») dont il salue en passant la « franchise »:
«
L'un des refuges hors de cette prison mécanique de la culture est
l'étude des formes primitives de la vie humaine, telles qu'elles
existent encore dans les sociétés lointaines du globe. L'anthropologie,
pour moi du moins, était une fuite romantique loin de notre culture
standardisée.» !
Nous
arrêterons là. Pour ceux qui veulent poursuivre cette charmante
introduction à la « rigueur scientifique » de "L'anthropologie", nous
vous renvoyons à l'ouvrage éponyme aux éditions Payot. Il reste qu'il
se dégage clairement de toutes ces réactions une ligne dure. L'Occident
qui est plus que jamais « las de son effort immense » et malade de sa
toute puissante raison, pratique un culte intellectuel (de la répulsion
et de l'attrait ) d'hypothétiques manifestations à rebours. Il tend à
construire un "ailleurs" figé dans les archétypes de la succursale dont
la principale caractéristique est l'absence de sérieux. La rhétorique
extrêmement bien exercée ne suffit plus à cacher que tous les élans
(aux grotesques alibis scientifiques) vers l'Afrique, transpirent la
volonté de fuite. La dangerosité d'un fantasme résidant dans un rapport
de force non-équilibré entre le sujet au fantasme et l'objet fantasmé,
il est normal ici de s'inquiéter.
L'Occident
croit à tort que le pan entier de spiritualité sacrifié sur l'autel de
la ratio, l'humain distancé un peu plus à chacun de ses pas sur l'
"autoroute" du "progrès" - et qu'il pressent dans une certaine mesure,
encore libre et entier dans les sociétés de tradition - est contenu
dans les sillons brumeuses du "laisser aller". Tout est donc mis en
oeuvre (ceci est un chantier intellectuel gigantesque) pour maintenir
(ou tenir tout simplement) les sociétés d'Ailleurs dans l'imagerie de
l'univers opposé à celui de l'ordre .(Nous proposons une analyse de
cette absurdité dans le prochain sujet de la série). Cet « aller vers
l'Afrique » n'est pas foi en l'Afrique. Il est déni pur et simple et
exploitation de l'Afrique. Le sort malheureux de l'art des africains
qui s'épuise à tenter de se dépêtrer de la contingence, nous renseigne
le premier sur la dangerosité de ce « projet ». Aujourd'hui les objets
! refusent de servir de visa vers la destination onirique aux millions
d'apprentis anthropologues qui se pressent dans les musées pour les
"admirer ". L'esthétique africaine réclame d'être tout simplement.
A
ce niveau de notre exposé ( dont le propos se voulait l'art africain)
qu'on nous permette d'ouvrir une large parenthèse pour nous intéresser
aux errances du « programme » ethnologique africaniste.
Un questionnement de l'ethnologie
«L'anthropologie,
ce monologue tranquille de l'Occident avec lui-même, dans lequel il n'y
aurait de rationalité que conférée par un sujet actif à un objet
passif » ?(L'Anthropologie, page198)
Nous
commençons par saluer l'honnêteté du Professeur LAPLANTINE, le
félicitons et le remercions d'avoir su en quelques 200 pages, nous
introduire à l'histoire, au projet et à la complexité de cette matière
pour laquelle nous nous serions presque vus tomber en affection. Bien
évidemment nous recommandons chaudement à tous ce petit ouvrage.
Tout
ce qui va suivre peut paraître critique gratuite et ingrate contre une
discipline qui a permis de "fixer" nombre de spécificités en voie de
disparition ou complètement disparues, et qui a ouvert de nouveaux
horizons à la compréhension de l'Autre. Il n'en est rien. Nous
précisons que nous n'indexons pas le "Projet anthropologique" en
général mais l'anthropologie africaniste en situation. Le caractère
salvateur que peut avoir la démarche ne nous échappe pas. elle n'est
pas absente des motivations des ethnologues eux- mêmes
Combien
resterons nous reconnaissant à GRIAULE pour le coup de projection franc
sur la pensée africaine que constitue "Dieu d'Eau" . Que ce soit le
vieil aveugle, l'initiateur de la rencontre (et accessoirement son
unique acteur), ne change rien à l'affaire. Il reste que « le sauvage »
a eu devant lui cette fois là, un «observateur» prudent, aux
dispositions évidentes (notamment celle de se laisser étonner), au fait
des us et coutumes et respectueux des règles d'usage.
L'
« immersion totale », l' « acculturation à l'envers » et « l'
observation participante », produisent des résultats dont nous ne
pouvons évacuer la portée. Si nous généralisons ici, c'est du fait de
l'économie que nous impose le canal choisi. Et nous ne manquerons pas
de saluer les heureux fruits de la recherche anthropologique chaque
fois qu'il nous sera donné d'en remarquer.
Mais
il est d'autres conséquences dues aux conclusions par trop hâtives
d'une « science » qui a oublié de prendre les précautions inhérentes à
sa définition. Des conséquences de celles que le Nègre d'Occident peut
lire tous les jours dans les yeux de sa boulangère. Ces malentendus
sont le résultat de la parenté d'esprit qu'a entretenu à une certaine
période l'ethnologie avec la biologie, la philosophie et l'histoire.
«
Ethnologie », l'Africain n'aime pas ce mot ! Et il a raison; tant sa
personne s'en est trouvée écartelée. Le préjudice est immense et il n'a
finit d'être nivelé. Le terme consacre d'emblée une Hiérarchie. D'un
côté l'observateur, de l'autre son objet, d'un côté le rationnel de
l'autre l'irrationnel, d'un côté la lumière de l'autre l'obscurité.
Positivisme,
Evolutionnisme, Messianisme, Naturalisme, Humanisme, etc. autant de
slogans vides de contenus personnels pour l'Africain et qui l'ont
consacré dans sa mesure de l'occidental. (Et «le sauvage» attend avec
beaucoup d'appréhension la prochaine invention de «l'observateur»...).
Autant de coups portés à la société de tradition. Toujours "hors de
l'histoire et de la culture", l'Autre est le maître-étalon de la pensée
de lui même de l'occidental, le seul être qui "EST" et qui "avance".
L'
"auto-référentiation" est la gangrène de la mentalité occidentale et en
l'ethnologie elle a trouvé sa plus grande expression. L'entreprise
étant "dire de l'autre", un autre passif, sans retour sur lui même et
surtout pas sur son observateur.
Alors
même qu'elle manifeste une frivolité inquiétante pour une discipline
qui se veut « Savoir », donc « scientifique », l'anthropologie a le
projet, ô combien audacieux (dénué de modestie serait peut être plus
juste) de « dire l'Homme" », être éminemment complexe s'il en est, qui
défi les lois les plus fines de l'objectivation comme le reconnaît
Georges DAVY :
« Il n'y a donc pas de rigueur de méthode qui
tienne : l'humain ne se laisse résorber ni dans le mécanisme ni dans le
matérialisme » (Emile Durkheim, Leçons de sociologie / page 20).
Des
contradictions qui n'en sont peut être pas et qu'il revient à
l'anthropologue de gérer convenablement pour éviter les désagréments
sus déclinés à ses « objets ». Pour que la vie des « primitifs » ne
fasse plus les frais de la toute puissance raison occidentale qui «
devant n'importe quel objet nouveau, se demande : « quelle est celle de
ses catégories anciennes qui convient à l'objet nouveau. Dans quel
tiroir prêt à s'ouvrir le ferons-nous entrer, de quels vêtements déjà
coupés allons nous l'habiller "? ». (Gaston Bachelard énonçant Bergson:
La poétique de l'espace, page 80).
Les idées stéréotypées - que
dénonce la métaphore des tiroirs - caractéristiques de la pensée
ethnologique ont conduit à une lecture réductive des modes originales
d'exister des africains, forçant ceux ci à les prendre en horreur et à
se lancer dans une course effrénée pour ressembler au "civilisé", à
l'occupant, au maître, au colon.
Nous
avons eu l'heureuse surprise, au cours de notre réflexion de nous
rendre compte qu'elle avait déjà été menée par certains «intellectuels
du tiers monde», desquels, un certain Stanislas Spero ADOTEVI (1972) et
un certain Frantz FANON (1952) . Chaque fois que sous nos pas, nous
découvrons des sentiers déjà battus par le dernier, nous en éprouvons
une légitime fierté, nous ne rougissons plus de nos intuitions et nous
nous trouvons confortés dans notre démarche. Cela nous renseigne sur la
justesse de notre interrogation.
La
« mort du primitif » n'a pas entraîné la mort annoncée de l'ethnologie
(peut- être parce que dans l'esprit des anthropologues, le «primitif»
est encore vivant ). La discipline a mué, diversifiant ses compétences
et se découvrant de nouveaux terrains de jeu (où par ailleurs elle est,
nous le reconnaissons, très efficace); mais il semblerait que de ses
vieux démons africains, elle n'a pas encore fait l'exorcisme et
continue de revisiter allègrement les fourvoiements de ses autres vies.
Nous savons maintenant que l'Occident manifeste une capacité rare à
tourner les pages de ses errances mais oublie toujours en même temps
que les termes de jeter les préceptes hérités et de procéder au
questionnement des comportements qui leur sont liés. Ainsi aujourd'hui
l'anthropologie affirme avoir pris un nouveau départ parce qu'ayant
rejeté dans la forme, en vrac toutes les imageries qu'elle a mise au
monde, alors que son esprit même en reste profondément imprégné.
Dans
un autre ouvrage : "Architecture et Nature" (page 16), LAPLANTINE dans
une sorte d'amorce de critique de l'anthropologie, reconnaît une autre
manifestation de cette tendance dichotomaniaque dominante de la pensée
occidentale qui, en ce qui concerne l'étude des sociétés d'ailleurs, «
conduit à séparer le fond de la forme ». Nous rectifions : dans le cas
de l'analyse de l'art africain, ce n'est pas d'une séparation qu'il
s'agit. C'est plus grave. Le fond étant intimement lié à la forme, il
ne peut en être séparé et ce qu'initie l'approche occidentale, est
plutôt la construction d'un habillage complètement fictif qui tend à
cacher la forme.
De fait, il n'y a d'écriture anthropologique
exacte que celle de l'objet lui même. C'est dire que : le fond c'est la
forme. La « culture comme texte » n'est pas l'écrit de l'africaniste
mais la plastique de l'objet africain (l'anthropologue étant tout
simplement dans l'impossibilité matérielle, temporelle et spirituelle
de copier la culture). L'information anthropologique est un signifiant
( la théorie construite pour rendre compte ) d'un signifié absent
(l'observé), dont l'écho de la voie est scellé dans l'objet avec lequel
est mis en relation l'information. Le signifiant habille. Il est par
définition instable. Le culte de ce discours rationalisant travaille
contre le "signifié", et est oeuvre de son "muselage".
Les
différents niveaux d'abstraction que constituent dans la "méthode", la
collecte des informations sur le terrain (ethnographie), leur
agencement (ethnologie) puis leur mise en rapport (anthropologie), sont
autant d'éloignement de l'objet observé. L'exposition dépouillée
d'oeuvre d'art africain est seule anthropologie africaniste vraie,
l'objet étant lui même et lui seul ethnographie (écriture de la
culture).
Voici une posture qui ne manquera pas d'être qualifiée
de phénoménologique. Elle n'en a certainement que l'apparence (la
mesure pensée africaine aime assez à se dérober à tous les costumes
pré-taillés de la pensée occidentale). Elle l'est néanmoins résolument
dans sa foi en une « stabilité du sens » (ce sens là est celui exclusif
du "parler" de l'objet. Il n'est pas donné comme objectif à atteindre
mais EST et est « inséparable du sensible »). Elle (notre posture) se
nourrit d'une critique de la confrontation dialogique, présentée un peu
comme l'état adulte (l'age 4) de la démarche descriptive.
L'herméneutique ou cette irruption du langage prônée par GADAMER nous
semble en effet un meurtre du juste. Elle ouvre la voie à l'intrusion
dans le champ scientifique d'une donne mouvante et instable : le
discours. La pluralité, la confrontation et la discussion gages d'une
compréhension herméneutique heureuse, étant absentes de l'anthropologie
africaniste, la démarche tend à édifier, au lieu de la multitude
harmonieuse de langages, un métalangage : LA Référence. Les limites de
cette posture résident donc dans ce qui devait garantir son efficacité:
l'approximative. « Toute description est imprégnée d'une histoire,
d'une mémoire et d'un patrimoine et est construite à travers un
imaginaire » (LAPLANTINE). L'équivocité du langage lié d'abord et avant
tout à l'instabilité de la personne du chercheur finit de construire la
faiblesse de l'anthropologie et pernicie son diktat.
Nous
ne proposons ici, nous en sommes conscients, ne serait-ce que l'ébauche
d'une démonstration (notre propos pèche sûrement par le trop
d'intuition qui la sous-tend et la crainte latente qui la motive). Nous
en laissons le soin à Stanislas Spero ADOTEVI .
Comme nous, l'auteur de Négritude et Négrologues affiche son scepticisme fasse à la prétendue évolution de la discipline.
«
La problématique de l'ethnologie est posée.(...) Entre ce moment ,
celui de Livingstone-Stanley, puis celui de l'autonomie interne et
enfin celui de la décolonisation, l'ethnologie n'a été que la pratique
victorieuse d'une pensée douteuse. Il s'agit de nier la diversité, la
dissoudre dans une démarche univoque, ne la considérant que comme un
moment appauvri d'une histoire unilinéaire : cette histoire blanche
donnée comme modèle indépassable. Toute l'évolution ultérieure de
l'ethnologie traduit les ruses inopérantes d'une civilisation qui,
ayant choisi de mentir et de se mentir, a été incapable de surmonter
les apories soulevés par son propre développement grâce à son extension
au delà des mers. »
Il questionne le caractère auto-proclamé
scientifique, dit et répète la difficulté pour la recherche occidentale
de se vêtir de la blouse blanche de l'honnêteté scientifique et de
manifester une rationalité vraie dans le rapport aux autres peuples.
«
C'est donc à cette ratio occidentale qu'il faut s'adresser pour
indiquer, non seulement l'impossibilité d'un discours scientifique en
ethnologie, mais que cette discipline intégrant dans sa structure les
séquences mythiques de la suffisance et du racisme européen, repose en
raison et en fait sur les fondements idéologiques d'une civilisation de
la destruction et de la négation des autres. De même il ne saurait y
avoir d'ethnologie progressiste.
Ni science, ni pensée sérieuse,
indifférente aux problèmes des peuples, incapable d'instaurer un vrai
dialogue, sans objet pour les peuples du tiers-monde, abrutissante,
pour tout le monde, l'ethnologie, dernier raffinement intellectuel
d'une idéologie de la domination et de l'exploitation essentielle,
révèle la face étroite et narcissique de l'histoire bourgeoise. Son
existence contredit toute possibilité de progressisme dans les sciences
humaines. »
Et le " Nègre
lâché" de sanctionner : « l'ethnologie est une idée fausse. C'est la
conscience permanente d'une politique de domination quoi n'ose plus
dire son nom ».
Au risque de
nous fâcher définitivement avec Laplantine et Claude Lévi-Strauss nous
affirmons que: l'anthropologie est bel et bien un « avatar de l'esprit
colonial ».
Voilà pourquoi
l'Africain reste prudent et continue de questionner : « l'arrière plan
» tant réclamé sert quel intérêt ? S'agit-il de rééditer la démarche
hautement culturicide d'ethnologues aussi présomptueux les uns que les
autres, qui ont sillonné le continent, figeant l'être et l'exister des
Africains en des archétypes à valeur d'Enargeia qui nourrissent encore
nombre de malentendus ?
En attendant qu'une réponse claire nous
soit donnée et que les manifestations d'un repenti véritable soient
visibles, on comprendra que nous nous fassions un devoir de rester
vigilants. Un challenge est lancé aux nouvelles générations
"Chercheurs". Les africains réclament: Prudence, Mesure et Humilité.
A
moins qu'elle n'entame cette réforme, l'ethnologie africaniste restera
indéfiniment éloignée des populations dont elle prétend parler et
demeurera dangereuse pour elles. Alors, il appartiendra peut être aux
Africainsd'en construire la mort.
Nous
ne saurions conclure sur ce questionnement de l'anthropologie sans
cette évidente vérité énoncée par LAPLANTINE à la page 16 de
Architecture et nature en conclusion à un résumé la pensée de HUSSERL
sur la description : « ..S'il existe une rationalité descriptive, elle
n'est davantage du « côté » du sujet ou de l'objet, mais dans la
relation qui les unit ».
Nous mettrons donc en garde contre toute
canonisation du savoir anthropologique et rappelons : Aucun "tiroir" ne
peut contenir la « démence précoce », la « folie flambante » et le «
cannibalisme tenace ».
L'homme qui se propose de mesurer un autre
homme devra à un moment ou un autre se mettre à son niveau, soit en
s'abaissant, soit en s'élevant ; c'est un poncif de dire que s'il fait
la même taille que son "objet" c'est économie pour son entreprise.
Nous
disons que l'ethnologie doit revoir son éthique. Elle doit nuancer son
propos (nous aimons le mot « nuancer » parce qu'il renvoie à la
coloration) et définir une approche autre, dépouillée des préjugés
qu'elle a construits jusque là et attentive à ne pas en produire
d'autres.
On comprend
désormais, la défiance manifeste des étudiants africains vis-à-vis de
ce cursus. Une défiance qui n'est autre chose que réaction allergique
aux présupposés ethnologiques. Cette légitime méfiance se cristallise
dans la très regrettable indifférence clairement affichée vis-à-vis des
arts anciens africains.
Et on glose sur « l'attitude
décourageante» des africains, leur indécrottable manque d'ouverture vis
à vis de « leur passé » et sur une hypothétique herméticité à l'art. On
serait presque tenté d'y voir le signe d'une certaine indisposition
"naturelle" à apprécier "le beau". (Inutile de répéter que le public
européen ne va généralement pas dans les musées d'art africain pour
manifester cette « haute capacité » qu'est la culture de « la
sensualité éclairée et de l'abstraction intellectuelle », mais mu par
des élans d'un autre genre que nous avons mis en lumière plus haut.
Elans qui pour des raison qu'on imagine aisément ne sont pas le partage
de l'africain). Toute hiérarchie serait vue de l'esprit et retour
masqué de précepte "gobinal" . Le succès auprès du public noir d'une
certaine exposition d'art contemporain érode le mythe de l'herméticité.
(Nous reviendrons sur l'art contemporain et présenterons la complexité
des rapports qui là aussi sont en jeu dans les prochains sujets).
En
définitif, on ne peut demander à l'africain d'Afrique ou de le
diaspora, à l'africain américain, à l'antillais de faire sien un
héritage systématiquement associé à : «sauvage», «pratiques obscures»,
«innocente personnalité et généreuse nature», et qu'on tient pour
témoignages de sociétés à l'âge de l'«enfance de l'humanité». Il est
donc évident que le gentil mépris dans lequel les africains tiennent
l'art "traditionnel" est d'abord une « résistance», qu'un "recentrement
" de la chose pourrait facilement amener à faire tomber.
Perspectives: Art, Musée et Nègre... construire le trio
« Lyrisme, tournez à gauche; prenez garde à la poésie... » (Paul GUILLAUME)
En
plus d'une approche ethnologique autre il est définitivement crucial
que soit engagé une nouvelle expérience de l'art africain, celle là
esthétique, que nous voulons suggérer.
Les
Avant-Gardes ont flairé la pertinente richesse plastique des arts
nègres et y ont trouvé les conditions d'une révolution, mais ont, ô
ultime réminiscence d'une mentalité de clocher, refusé d'en supporter
l'aveu d'une quelconque parenté. L'analyse plastique n'est pas donc
allée plus loin, et celle là philosophique, n'a jamais à notre
connaissance été initiée. Cette nouvelle démarche sera le fait d'
historiens de l'art, qui jusque là, en ce qui concerne le faire
africain, ont beaucoup plus limité leur intérêts à des considérations
contextuelles se rendant complice de l'ethnologie doigtée plus haut,
des fois même s'y substituant ; une histoire de l'art entamant elle
aussi l'aventure exotique, oubliant son propos véritable qui doit être
l'art. L'affaire aussi d'intellectuels, théoriciens, philosophes,
esthètes et autres plasticiens. Mais déjà, quelque chose nous dit que
cette approche originale des arts nègres, l'occident ne l'initiera pas.
Il appartient aux africains de découvrir la leçon de ligne courbe,
l'enseignement du poteau et les secrets du masque...
Si
l'anthropologie a pu s'élever au niveau de science, l'esthétique le
peut aussi. L'Afrique gagnera beaucoup à initier cette révolution.
Pour finir nous plaiderons en faveur d'une Démocratisation de l'art traditionnel africain.
Il
est souhaitable que les dépositaires que sont les musées et galeries
d'art prennent conscience de leur devoir de mémoire et qu'ils mettent
en place des programmes pédagogiques en direction des scolaires, des
publics jeune et adulte.
Des action ciblées envers "la jeunesse de
nos banlieues". Il s'agit de combattre le "désamour du soi" et tous les
troubles de comportement qui y sont liés en offrant les raisons d'une
fierté vraie. Poser les jalons d'une quête identitaire heureuse.
Des
programmes plus transversaux, visant à « désintoxiquer l'imaginaire
occidental ». Des projets de vulgarisation auprès des publics blanc et
noir pour corriger les travers de l'Histoire et bâtir une unité autour
d'une l'esthétique africaine désormais bien public de l'ensemble du
genre humain.
Des actions aussi en Afrique en direction des masses
africaines qui se sont vus dépossédées à des niveaux différents
(matériel et ou psychologique) de la façon la brutale ou la plus
subtile du bénéfice de ces objets. (Ceci est un appel, mais bien
enttendu il ne s'agira pas d'attendre en pariant sur la bonne volonté
des personnes concernées.)
Bref, il faut repenser le musée d'art africain et sa philosophie.
Ici nous retrouvons Bruno-Nassim ABOUDRAR :
«
La philosophie étant le dispositif de pensée qui reconnaît et désigne ,
celui qui intègre les objets à l'ordre supérieur de la pensée, quand ce
dispositif est inadéquat, c'est l'objet lui-même 'l'art-, qui paraît,
par une sorte d'effet d'optique intellectuel- un « effet de pensée » -
être devenu inadéquat. Or la philosophie de l'art qui a cours
aujourd'hui est doublement inadéquate, qu'elle soit obsolète ou qu'elle
prétende adhérer au fait qu'elle fonde...».
Plus
que d'une inadéquation ou d'une obsolescence de la philosophie, il
serait juste, s'agissant du traitement de l'art ancien africain, de
parler de son absence, l'imposture intellectualisée de la lecture
ethnologique s'y étant substituée. Le diagnostic est donc plus cruel.
Et la "culture" sous ses formes les plus abstraites, travaille à
l'agonie de l'art :
« La muséologie, l'éducation, les pratiques
sociales, pleines de bons sentiments à leur habitude, élèvent entre
l'art et nous l'opacité des offices de médiation. Rien ne nous
pousserait à voir ou à entendre, que nous n'y soyons appelés par toute
une cohorte d'agents qui simplifiant, qui expliquant, bonimentant,
mettant à la portée, traduisant, transcrivant, décrivant. Et c'est
d'autant qu' à chaque fois l'art semble moins fondé, plus lointain,
plus hautain, plus complexe. Et moins utile ».
C'est
cela : les musée d'art ancien africain sont des cimetières, où les
"Spécialistes" que sont les directeurs de musée, conservateurs,
conférenciers, véritables fossoyeurs, à longueur de journée prononcent
l'oraison funèbre d'un art qui du fait de l'énergie qu'il concentre ne
demande pourtant qu'à vivre. Vivre et faire vivre.
Rendre l'Art
africain « utile » tel est le challenge qu'ils ont à relever. Cela
passera par l'émergence d'une Philosophie, un rapport nouveau à
l'Afrique, à l'Africain et à leur Art. Changer de philosophie c'est
d'abord dédramatiser l'art et le rendre accessible en le libérant de
l'arrogance et de l'autorité de la rhétorique anthropologique mais
aussi l'évacuer de son "défi" de classes.
Les "spécialistes"
gagneraient à comprendre ceci :« Le saupoudrage hâtif d'une culture
superficielle ne favorise en rien une relation esthétique heureuse aux
œuvres de l'art ».
ABOUDRAR
dit, ce qui devrait, à notre avis, être au coeur des préoccupations de
tous les responsables de musées et de musée d'art africain en
particulier :« Il faut sortir l'exercice esthétique de tout l'appareil
de contraintes, de sérieux, de lourdeurs, bref de l'outrecuidance qui
le leste. Et si jamais, quelque chose comme la vérité surgit dans
l'oeuvre : « c'est un surgissement joyeux et presque riant, et la
contemplation qui l'occasionne a le rythme intime du plaisir.. »
Nous
venons de lancer un appel. Ce n'est que cela : un appel. Mais bien
entendu, nous n'attendrons pas en pariant sur la bonne volonté des
personnes concernées.
L'
"Homme Nouveau" que nous oeuvrons à mettre sur pied , devra
impérativement reprendre contact avec la production de ses pères, sa
production.
Forcer les barrières évidentes que souvent les maisons
dont nous venons de parler, semblent dresser devant le public africain,
investir ces lieux de non droit, se mêler à la clientèle bourgeoise
habituelle. Arracher de la main d'une corporation élitiste le monopole
du bénéfice de ces objets. En briser l'actuelle sacralité, pour en
construire une autre qui puise aux sources d'un désir de
reconstruction, au service d'une dynamique.
Ces objets ont des
choses à dire. Il va nous falloir tendre l'oreille. Initier des têtes à
tête soutenus pour épuiser les enseignements. Entrer dans une entière
possession du testament pour engager " la Marche Irréversible du Sujet
Efficient ". Il ne s'agira pas de sauter les étapes, car comme
l'enseigne un proverbe bien de chez nous : "C'est au bout de l'ancienne
corde qu'on tisse la nouvelle".
Nous laisserons les derniers mots à Paul GUILLAUME :
«
Les générations à venir y trouveront (dans notre "célébration" du génie
africain) la source féconde d'élans généreux vers un développement des
formes plastiques, vers une compréhension plus large de la vérité
esthétique. L'art héroïque des noirs, ordonné, lyrique, empreint
d'humanité, dramatique, douloureux, hautement désintéressé, initiateur
de réalités profondes, réapparaît aujourd'hui, dressant devant la vie
universelle le flambeau spirituel de son incontestable, de sa formelle
et éternelle beauté. (...) L'étude de l'art des Noirs est une science
naissante que demain glorifiera, dont demain s'honorera ».
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