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African Paris. Art premier primitif africain

La sculpture africaine, Joseph Adandé


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LA SCULPTURE AFRICAINE

Introduction
Contexte de la sculpture africaine
Les lieux de la sculpture africaine traditionnelle
Canons de la sculpture africaine
Des techniques et des créateurs
Esthétique
Rôle de la sculpture africaine dans son milieu
Impact universel de la sculpture africaine
Indications bibliographiques

 
Introduction

Jamais sujet n'a fait couler autant d'encre que la sculpture africaine traditionnelle. Jamais, malgré toutes les tentatives, l'homme n'a réussi a l'évacuer de son champ mental et encore moins de son histoire, c'est-à-dire de sa rencontre avec l'autre. Elle a été une des pièces maîtresses pour mesurer la "civilisation" de l'homme noir et sa capacité à créer, capacité diversement appréciée tout au long de l'histoire jusqu'à ce que au début de ce siècle, le cubisme aidant, l'unanimité commence à se faire sur le caractère exceptionnel des sculptures africaines que l'on a toujours confondues avec l'art africain dont elle n'est qu'une partie, la plus importante probablement, s'il fallait en juger uniquement par le nombre de pièces créées qui nous soient parvenues.

Contexte de la sculpture africaine

On ne peut discuter de la sculpture africaine en l'isolant du reste des arts de l'Afrique au Sud du Sahara. Chaque mot dans ce domaine est chargé non seulement de sens mais d'histoire, et si nous avons choisi le terme "art africain", c'est pour bien assumer tout ce dont nous avons hérité du passé dans ce domaine ; en effet les termes pour désigner la même réalité ont changé souvent. Qu'il s'agisse d'art "primitif", "nègre", "négro-africain", "colonial", ou enfin "premier", on se réfère bien à la même réalité colorée par les idées du moment.

Ainsi, il peut être intéressant de se demander ce que recouvre l'épithète primitif accolé aux arts africains. L'adjectif est le résultat de la théorie de l'évolution fort prisée au XIXème siècle. Les savants alors étaient convaincus du caractère universel et obligatoire des lois de l'évolution qui s'appliquaient dans tous les domaines y compris celui des sociétés et des cultures avançant toutes vers les cultures et civilisations occidentales, apex de l'évolution… On sait aujourd'hui qu'aucune culture n'est primitive et que souvent, c'est par ignorance de la réalité toujours fort complexe que l'on simplifie et qualifie de primitif. Le mot a été abandonné par la plupart des anthropologues, mais il a encore ses défenseurs et l'Occidental moyen y est encore attaché. Les autres épithètes sont porteurs d'autant d'histoire. Chaque fois, il s'est agi de donner la vision la plus précise possible de ces créations. Mais tous ces termes relèvent de la conception occidentale ; souvent, les africains y ont senti une nuance péjorative dont ils ont su parfois faire leur force : la négritude par exemple a récupéré tout le péjoratif lié au mot "nègre" pour en faire le fondement des revendications d'égalité, de marche vers la liberté, d'opposition au colonialisme, d'affirmation de l'être au monde du noir, voire même de sa supériorité par rapport aux autres.

On ne peut non plus présenter ces arts en ignorant les problèmes de chronologie qu'ils posent. Les dates sont rares malgré les progrès qui se font avec l'accompagnement des savoirs connexes comme l'archéologie. Il n'est pas vain de savoir que l'on a retrouvé en Angola la plus vieille pièce de bois et qu'elle est datée du VIIème siècle, signe que depuis cette date là au moins, on pratiquait la sculpture sur le continent. Mais les dates si elles permettent de mesurer la profondeur historique ne sont pas tout. La valeur accordée dans le présent à ces créations compte tout autant que le sens et les fonctions qu'elles ont. Enfin, les historiens d'art ont réussi à classer l'ensemble des créations en fonction de leur provenance. Ils ont affirmé l'existence de centres de styles en Afrique sub-saharienne. Le style suppose la fin des tâtonnements et de la recherche des équilibres de masses en sculpture ; il demande du temps pour que se construisent les traits constants et quasi-permanents qui le constituent et permettent de le distinguer de toute autre pièce provenant d'un autre atelier ou centre. Il est un élément de chronologie qui ne dit pas son nom. De là à considérer les styles qui souvent se confondent avec des noms de groupes sociaux ou ethniques comme des formules d'expression hermétiques à tout emprunt il n'y a qu'un pas qu'il faut éviter de franchir. Les barrières à la circulation sont rares en Afrique Noire et les échanges entre ateliers et centres de production artistiques existaient. Lorsque les hommes circulent, les idées et les formes artistiques font de même.

Comme tout art, la sculpture africaine est néanmoins "structurée", de façon ultime, par le regard de l'autre pour lequel il est aussi fait : il s'agit bien de la projection de l'imaginaire de l'homme noir qui s'expose au regard, au jugement et à l'appréciation d'autrui. La sculpture africaine a sa spécificité propre, sa propre signature régie par des canons différents de ceux élaborés par les autres cultures ; ces règles sont suffisamment fortes et constantes pour qu'au long de l'histoire, elle ne se laisse jamais "assimiler", réduire à autre chose qu'elle n'est. On sait toujours la reconnaître d'un continent à l'autre, même si elle partage un air de famille avec l'ensemble des arts "premiers".

Cet article vous introduira, de façon sommaire il est vrai, aux grandes caractéristiques de la sculpture africaine. Vous y trouverez les outils qui vous permettront à votre tour de reconnaître une pièce signée par l'Afrique. Vous pourrez aussi commencer à en apprécier les qualités esthétiques et vous laisser séduire par ses formes, toujours différentes, malgré le fait qu'elles soient portées par la même matrice culturelle. Vous pourrez enfin parfaire votre introduction par une rencontre physique avec cette sculpture dans les lieux de culture comme les musées d'ethnographie qui ont su en préserver non seulement la mémoire mais aussi la réalité physique.   

Les lieux de la sculpture africaine traditionnelle

Que faut-il entendre par "Afrique traditionnelle" ? Si on ne considère que la sculpture, il convient d'admettre qu'une telle Afrique est habitée par des Noirs dont les traditions religieuses de base sont "animistes". Une telle Afrique exclue l'Afrique du Nord ou "Maghreb". Mais là encore, la prudence s'impose : les arts défient les frontières ; comment faut-il comprendre l'intégration du Soudan au Maghreb lorsqu'on sait que ce pays comprend deux régions habitées l'une par des hommes à peau blanche, musulmans, et l'autre par des hommes à peau noire dont les traditions religieuses pourraient être proches de celles de la plupart des Noirs ? L'islam suffit-il ici comme critère de classification ? Il n'est pas plus évident que le découpage en états avec les frontières imposées par la Conférence de Berlin de 1885 - c'est-à-dire d'hier - et la colonisation qui a en principe duré moins d'un demi siècle soient des critères pertinents de découpage : les populations partageant les mêmes cultures les chevauchent. Face à ces questions, nous avons pris le parti d'écrire pour l'homme d'aujourd'hui : il se réfère beaucoup plus aux états qu'à de grandes aires dont les limites pour lui seraient floues. Nous avons préféré les grands regroupements Afrique de l'Ouest, Afrique Centrale, Afrique Australe, Afrique Orientale". Ils ont l'avantage de lisser le poids des facteurs géographiques sur l'art. Ils contestent le déterminisme géographique que sous-tend la classification en Afrique des forêts, des savanes et du Sahel par exemple. Après tout, l'appartenance du Mali ou du Burkina Faso aux zones de savane ou du Sahel ne les ont pas empêchés de produire des masques aussi complexes que ceux des zones de forêts ou en principe la matière première, le bois, est plus abondante. S'il y a eu création dans ces cas là, on la doit beaucoup plus à la volonté et à la liberté de l'homme qu'à un conditionnement extérieur, si contraignant soit-il.

On a observé aussi que la sculpture n'est pratiquée, à grande échelle, que dans les sociétés sédentaires, vivant des fruits de la terre. L'Afrique n'échappe pas à cette règle : les nomades, essentiellement musulmans, obligés de transporter en permanence l'ensemble de leur mobilier et leurs dieux ne sculptent guère… On a tendance à croire que la sculpture demande une certaine stabilité des conditions de vie en société et l'existence de cultes compatibles avec la représentation des dieux.

Canons de la sculpture africaine

La sculpture africaine frappe d'abord par la grande diversité des matériaux qu'elle a utilisée pour rendre des formes tout aussi variées. La statuaire et le masque en sont les deux grands genres. La statuaire en particulier s'est exprimée dans des matériaux aussi divers que le bois, les alliages cuivreux ou tout simplement l'argile cuite, l'ivoire et l'os ou la pierre. Les tailles varient elles aussi grandement : les poids à peser l'or du pays akan par exemple de petite taille voisinent avec les terres cuites de Nok, les créations en alliage cuivreux d'Ifè ou les nomoli de la Guinée ou encore les statues en pied que l'on retrouve un peu partout en Afrique noire.

Le corps de l'homme, seul ou associé à un animal comme le cheval, en est le principal thème. Dans chaque cas, la maîtrise technique est réelle : les alliages cuivreux par exemple nécessitent une bonne connaissance des températures de fusion des différents métaux et les proportions dans lesquelles les mélanges doivent être fait. Il y faut aussi la maîtrise du feu et de la source d'énergie. Des raisons diverses ont poussé au choix du matériau. Le bois par exemple est choisi non pas seulement à cause de sa résistance mais aussi pour des raisons rituelles dictées par la tradition. Il est probable que la dureté ait guidé le choix de la pierre, de l'os, de l'ivoire ou du fer. Les alliages cuivreux ont probablement été choisis parce qu'ils ont la couleur de l'or rare dans certaines régions ; mais ils brillent comme lui quand on les polit : les rois africains du Golfe du Bénin les ont adopté sans doute pour cette qualité.

La statuaire africaine se caractérise par sa frontalité : la plupart du temps, on peut la diviser en deux à partir d'une ligne médiane. Il existe cependant des exceptions où l'asymétrie est la règle de construction. Une autre caractéristique de cette statuaire est la prépondérance accordée à la tête : elle fait le tiers ou le quart de toute la pièce, non pas parce que l'artiste n'a aucune connaissance des proportions mais parce que dans la plupart des cultures africaines, la tête est si importante qu'il existe des cérémonies particulières pour le faire comprendre. Les caractéristiques formelles de cette sculpture peuvent aussi s'apprécier en fonction de la tension des surfaces ou de l'articulation des volumes anguleux, ronds ou parfois cubiques par exemple. Les deux grandes tendances en art, le naturalisme ou l'abstraction, s'expriment aussi dans cette statuaire, à des degrés qui varient d'un "centre de style" à un autre. Ifè, dans certaines des pièces d'alliage cuivreux, a adopté un naturalisme de style classique proche de ce qui peut se retrouver ailleurs, dans le monde gréco-romain par exemple. On en a déduit à tort, que ces formes ont été introduites par des étrangers, sans jamais pouvoir en apporter la preuve. L'histoire est pourtant là qui affirme à qui veut le savoir que le classicisme n'est qu'une tendance de l'esprit humain et qu'il apparaît dès qu'il se réalise un équilibre suffisamment grand entre les différentes composantes de la société où vit l'artiste. Cet équilibre, l'art sait le traduire bellement sans tenir compte de préjugés raciaux ou géographiques.

On peut en dire autant des masques. En principe, ils ne représentent que la tête. Mais les formes de celle-ci sont non seulement différentes d'une région à une autre mais même parfois dans le même groupe socio-linguistique : les masques Dan par exemple comprennent plusieurs types sculptés en fonction de l'utilisation et du rôle que la société leur confère. Il n'est pas exclu que la façon de les porter - couvrant la face ou la tête - aient été pris en compte par le sculpteur soucieux de ce qu'il donnerait ainsi à voir au spectateur.                                                                 

Des techniques et des créateurs

Les sculpteurs africains utilisent, sur l'ensemble du continent, les mêmes techniques à quelques détails près. Tout d'abord, la plupart d'entre eux travaillent en s'isolant de la foule. Ils s'entourent de secret ou de solitude ; on sait qu'ils facilitent la concentration. Mais une autre raison les y contraint : souvent leur commande relève du sacré et de l'initiation auxquels tout le monde n'a pas accès. La sculpture sur bois, principal objet de cet article est soustractive : on prélève des pans de bois pour qu'apparaisse les formes de la pièce.

Les outils sont presque toujours les mêmes : la hache pour abattre le bois, des herminettes de différentes tailles, des ciseaux de plus en plus fréquents, et parfois des poinçons pour perforer. Il n'est pas rare que le sculpteur ait aussi des connaissances de forge si bien qu'il lui est facile d'utiliser le feu pour parfaire sa création.

La finition demande que les surfaces soient polies ; elles l'étaient traditionnellement par des feuilles d'arbres ; aujourd'hui, le papier de verre est connu de tous. La couleur est souvent utilisée. Autrefois, les pigments végétaux ou des substances minérales en étaient les principales composantes ; aujourd'hui, peu de sculpteurs même de pièces traditionnelles les connaissent et l'on préfère recourir aux peintures chimiques disponibles dans toutes les grandes villes et sur tous les marchés.

La sculpture africaine a aussi recours à la technique additive pour obtenir des volumes dans la poterie et les modelages en terre propres à exprimer les personnages et les divinités de certains panthéons. La technique additive permet sans doute une plus grande souplesse dans les transformations et les modifications. Le secret du travail nocturne permet peut-être de faire preuve d'une plus grande habileté manuelle.

Dans la plupart des cas, on ne connaît pas les individus qui ont créé les pièces de sculpture traditionnelle. On estime en Afrique de l'Ouest et du Centre par exemple, que la sculpture est un métier d'hommes, initiés à l'un ou l'autre culte de leurs propres société. Souvent ils sont polyvalents et peuvent aussi bien sculpter le bois que forger le fer. Il n'est pas rare que leurs épouses soient des potières. Par contre, il est rare qu'ils ne vivent uniquement que de leur art. Il convient toutefois de nuancer l'anonymat du sculpteur africain ; l'ignorance des noms et des provenances précises des premières collections est dû à la négligence des premiers ethnographes et collecteurs. La plupart du temps, ils s'adonnent aussi à un autre métier, l'agriculture essentiellement.

La plupart des artistes en Afrique croient en l'aide d'un être supranaturel responsable en partie de leur inspiration, de leur habileté technique et de leur don. Chez les fon du Bénin, un tel génie se nomme "Aziza". Aziza est un génie civilisateur et bénéfique : il enseigne les secrets de toutes les techniques et savoirs nécessaires à l'homme. Il est autant responsable du soin par les plantes que du savoir faire des forgerons par exemple. Il n'est pas étonnant qu'il habite les forêts et ne se fasse voir qu'à des chasseurs ayant atteint le sommet de la hiérarchie de cette confrérie.

Toutes ces considérations font que l'artiste est souvent dans les sociétés africaines, un individu un peu en marge, de qui on tolère les "caprices" et les excentricités. Il est certes tenu par les règles d'appréciation de la pièce élaborée par sa société, mais il a aussi le droit d'innover et de surprendre.      

Esthétique

On a longtemps douté qu'une esthétique régisse les arts africains en général et la sculpture en particulier. Depuis les années 80, des démentis de plus en plus forts sont apportés à la non existence d'une esthétique des arts africains. Il est probable que dans les années à venir, le nombre de régions stylistiques étudiées à ce sujet augmente pour que l'on puisse se permettre une comparaison. En attendant ce moment, nous prendrons appui sur ce que l'on sait des yorouba chez qui les recherches ont révélé l'existence d'un vocabulaire spécifique établissant les règles de la sculpture et les critères d'une esthétique inexorablement liée à la critique d'art ; elle s'exprime par treize critères : la mimésis relative ou médiane, la visibilité relative, la luminosité relative d'une surface au poli luisant, la proportion émotive, la disposition, la composition, la délicatesse, la rondeur des contours et des masses partielles, l'angularité agréable, la rectitude relative, la symétrie, l'éphébisme, et l'habileté du sculpteur (Thompson, R.F, 1973 :31-57). Ces critères pourraient recouper d'autres propositions formulées par d'autres sculpteurs dans d'autres régions d'Afrique. Ainsi Crowley (1973 :246-247) parle-t-il de double symétrie, de polissage des surfaces, d'une maîtrise des outils, de la préférence pour les pièces en pied et de la beauté. Suzanne Vogel (1985 :XII) parle de symétrie, de beauté, de délicatesse, de richesse des matériaux tels que l'or et l'ivoire tandis que James Fernandez (1966 :56) met l'accent sur l'équilibre. Dans la plupart des sociétés africaines, l'ajout d'un élément décoratif est considéré comme donnant plus de valeur à la pièce. Toutefois, de l'avis de la plupart des auteurs, la beauté des œuvres africaines réside bien sûr dans leur forme, mais aussi dans cette capacité qu'ont les pièces d'être associées à des rituels qui visent à des résultats concrets. La contemplation à laquelle tout chef d'œuvre d'art africain peut aussi servir de support, vient après ; elle concerne ceux dont le regard et la sensibilité ont été éduqués dans ce sens.

Il n'y a pas d'esthétique sans critique ; celle-ci est exercée par des sculpteurs plus âgés et par des membres de la société qui peuvent disqualifier une pièce. Pour que cela n'arrive pas trop souvent, un apprentissage permet de transmettre les règles du savoir faire. Il est plus ou moins long et dépend essentiellement de l'intelligence de l'apprenant et de sa maturité.                                                                

Rôle de la sculpture africaine dans son milieu

La sculpture africaine n'a pu résister au temps que parce qu'elle joue un rôle dans les sociétés qui l'ont créée. Les deux grands genres que nous avons définis précédemment, la statuaire et le masque, ont toujours été associés à des rites religieux ou initiatiques. On peut sans se tromper affirmer que le masque permettait la personnification d'une divinité ou d'une entité d'un autre plan ; le porteur du masque se met au service de cette force supérieure et en traduit la volonté à travers les mouvements et gestes qu'il fait. L'accoutrement sans lequel le masque est incomplet aide à ce déguisement et même si les initiés ne se trompent pas sur l'identité réelle du danseur, ils admettent qu'il peut être "possédé" pendant le temps du port du masque ; il est un autre homme et signifie bien que les dieux aussi ont besoin des hommes pour se faire entendre et voir. Jamais le masque n'apparaît sans que les dieux ne le souhaitent. Il est rare aussi qu'il se produise sans l'accompagnement d'une musique qui peut conduire à la transe. Nous sommes souvent en pleine théâtralisation.

Ce n'est pas non plus un hasard que le thème principal de la statuaire soit l'homme. Les statues sont le plus souvent la personnification d'ancêtres disparus, immortalisés de cette façon. La "confidentialité" à laquelle font allusion parfois certains auteurs (Delange, 67) se comprend alors plus aisément tout comme s'explique alors le fait que le sculpteur ne puisse pas prétendre à la paternité de sa création puisqu'elle s'enracine dans un mythe qui a été transmis de bouche à oreille pendant de nombreuses générations. C'est là qu'il devra puiser les formes de sa représentation. La ressemblance ne peut plus être la règle : elle supposerait qu'on ait vu au préalable les traits de ce qu'on représente. Tel n'est pas le cas. Puisqu'il s'agit de faire sentir l'esprit, le hiératisme sera l'attitude la plus indiquée ; cette rigidité voulue n'est qu'apparente ; l'artiste jouera avec les volumes pour faire sentir la vie qui ne cesse de s'exprimer par le truchement du matériau utilisé. Cet art est hautement symbolique ; il faut en permanence l'interpréter en se référant à la connaissance que l'on peut avoir de la société qui l'a créé. Au delà de la forme, il faut entendre un discours qui pour l'essentiel transcende la société elle-même mais qui la rassure et lui permet de continuer à vivre dans le présent.                                                                        

Impact universel de la sculpture africaine

La sculpture africaine est d'abord caractérisée par une volonté de dépasser la forme extérieure pour atteindre à l'essence de l'être. Cette volonté a conduit la plupart du temps les artistes à ne pas se satisfaire du réalisme. L'abstraction, s'est comme imposée à cause de cette raison. Inscrite au cœur de l'art africain elle l'a si profondément marqué qu'elle fut portée naturellement vers les peintres occidentaux du début du XXème siècle. Ils ont trouvé dans ces formes apparemment frustes la matérialisation de leurs propres aspirations en rupture avec le réalisme que prônait l'académisme ambiant d'alors. Le cubisme est né de cette rencontre de l'art africain avec des créateurs européens dont le plus célèbre reste Pablo Picasso (1881-1973). Pour narguer ceux qui voulaient conférer un statut d'infériorité à l'art africain - que l'on désignait alors par art nègre - il a eu cette boutade "l'art africain ? connais pas" pour bien faire comprendre que ce n'est pas le caractère africain qui lui importait le plus mais le caractère artistique. Gombrich (1990 : 456), comme beaucoup d'historiens de l'art européens, n'est pas dissert sur l'impact fécondateur de ce contact ; il n'en écrit pas moins que Pablo Picasso "se mit à étudier l'art des peuples primitifs, incité par l'exemple de Gaugin et peut-être par celui de Matisse". Kahnweiler (1966) est beaucoup plus explicite lorsqu'il écrit dans un article L'art nègre et le cubisme que "les peintres cubistes découvrirent, dans certains masques de la Côte d'Ivoire, des signes qui, renonçant à toute imitation, chargeaient la perception du spectateur d'imaginer le visage dont ces masques n'imitaient pas les vraies formes". On reconnaît de façon presque unanime aujourd'hui que "Les demoiselles d'Avignon" peint en 1906 par Picasso doit beaucoup aux masques africains. On sait qu'il en possédait quelques exemplaires dont un masque Wobé qu'il étudia longuement. L'art occidental s'est ainsi "africanisé" et il le reste encore aujourd'hui puisqu'il continue de vivre sur la lancée de cette rencontre fécondante. Que resterait-il de l'art moderne européen si on en exclue cette rencontre avec l'autre, qu'il s'appelle primitif, sauvage ou barbare, qu'il provienne de la lointaine Asie ou de la vieille Afrique dont Rabelais a dit "comme vous sçavez que l'Afrique apporte toujours quelque chose de nouveau". La récente entrée des "arts premiers" au Louvre scelle cette alliance. Il aura fallu un siècle d'attente, de cette attente faite de silence meublé seulement par les résultats de plus en plus convaincants de la recherche sur le terrain d'où surgissent des chefs d'œuvres toujours plus nombreux.

Seule l'Afrique, vieux continent pétri de sagesse, a le secret d'une telle patience ; elle finit, telle l'eau qui goutte à goutte corrode la pierre la plus dure, par rendre justice à la beauté des chefs d'œuvres du continent et à la reconnaissance que si les africains n'ont inventé "ni la poudre ni le canon" ils ont créé pour tous des chefs d'œuvres sculptés.

L'art premier au Louvre redit à qui veut l'entendre que chez les peuples africains et chez les primitifs des autres continents aussi le génie a existé et qu'il brille bien évidemment dans les créations artistiques dont les plus parlantes restent encore les sculptures. La reconnaissance de cet apport à l'homme de tous les temps se voit aussi dans les prix des ventes aux enchères de la plupart des métropoles européennes en attendant que des marchés de l'art s'installent aussi en Afrique. N'est-il pas mieux de n'avoir pas inventé le canon mais des ponts entre les peuples ? L'art sert bien à cela, la sculpture africaine en particulier.

De tous les arts de l'Afrique au Sud du Sahara, la sculpture restera, pendant longtemps encore un art majeur, une voie royale de la création par laquelle s'exprime tout le potentiel de création des africains mais aussi le lien consubstantiel qui nous relie au passé. Longtemps encore elle a de grandes chances de demeurer une référence essentielle pour ceux qui veulent connaître l'art africain, tel qu'il s'est exprimé au Sud du Sahara. Certes, ses formes peuvent à première vue déconcerter ceux qui se sont habitués à d'autres canons ; mais l'audace des sculpteurs africains est telle qu'on finit toujours par admirer ce que l'on a sous les yeux, fasciné par la combinaison des formes dans le volume, toujours respectueuse des contraintes du matériau. La grande variété des styles permet à chacun, une fois dépassées les premières résistances, de se sentir aussi chez lui, dans le monde de l'art sculptural, en Afrique.

Joseph Adandé

Par "sculpture africaine traditionnelle" il faut entendre celle qui provient d'un contexte où les traditions ancestrales marquent l'objet socialisé par des rites, authentifié par une utilisation, consacré par une association au sacré, ou à l'initiation.

 

 

Indications bibliographiques

 

 BALOGOUN, O & alii, (1977) : Introduction à la culture africaine, Paris, Union Générale d'éditions, Unesco, 309 pp.

 BIDIMA, J-G, (1997) : L'art négro-africain, Paris, Presses Universitaires de France, 123 pp, ill.

 CROWLEY, D, (1973) : " Aesthetic Value and Professionalism in African Art : Three cases of Katanga Chokwe " in The traditional artist in African societies, edited by Warren d'Azevedo, Bloomington : Indina University Press

 FERNANDEZ , J, (1966) : " Principles of opposition and vitality in Fang aesthetics " in The Journal of aesthetics and art criticism, 25 (1) : 53-64.

 GOMBRICH, E, (1990) : Histoire de l'art, nouvelle édition, Paris, Flammarion, 545 pp

 KAHNWEILER, D-H, (1966) : "L'art nègre et le cubisme" in L'art nègre, Paris, pp 83-88

 SIEBER, R & WALKER, R, A, (1988) : African art in the cycle of life, National Museum of African Art, Smithsonian Institution Press, Washington D.C and London, 155 p, ill

 STEPHAN & alii (1990) : L'art africain, Paris, Mazenod, 619 pp.

 THOMPSON, R.F, (1973) : "Yoruba Artistic Criticism" in The Traditional Artist in African Societies, edited by Warren L. d'Azevedo. Bloomington : Indiana University Press

 VANSINA, J, (1984) : Art History in Africa, London and New York, Longman, 233 pp

 WILLET, F, (1991) : African Art, Thames and Hudson, 288 p, ill, cartes

 




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