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La littérature d'Afrique noire


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La littérature d'Afrique noire

La littérature moderne d'Afrique noire se situe au confluent de divers courants: ses
propres traditions locales et diverses; l'impact des mondes islamiques et arabes;
l'influence omniprésente du colonialisme européen et du christianisme. Les Africains
se sont montrés particulièrement prolifiques depuis la Seconde Guerre mondiale;
utilisant le français, l'anglais, le portugais et plus de quarante langues africaines, ils
ont composé de la poésie, de la fiction, du théâtre, et inventé des formes d'écriture
pour lesquelles il n'existe pas de descriptif dans le monde littéraire européen. Leurs
oeuvres dressent le portrait de la réalité politique et sociale moderne, et s'attachent aux
systèmes de valeurs, qu'ils soient ou non africains. Dans le même temps, leurs écrits
sont fondés sur les traditions indigènes et des visions du monde typiquement
africaines.

Bien avant l'arrivée des Européens, avant même le développement de l'écriture, les
peuples de l'Afrique sub-saharienne ont exprimé de façon artistique leurs pensées,
leurs sentiments et leurs préoccupations les plus profonds, sous la forme de mythes,
de légendes, d'allégories, de paraboles et de contes, de chants et de mélopées, de
poèmes, de proverbes, de devinettes et de théâtre. Certaines formes traditionnelles de
la littérature orale ont survécu jusqu'à nos jours, tandis que des formes nouvelles ne
cessent d'apparaître. Elles expriment aussi bien des thèmes contemporains que des
thèmes du passé. Leurs styles sont influencés par le monde extérieur, comme par les
différentes cultures présentes en Afrique. Elles se sont adaptées aux influences
modernes, et influencent elles-mêmes les différents modes d'écriture contemporains.
Les littératures traditionnelles fournissent la trame des nouvelles structures, des
nouvelles techniques et des nouveaux styles qui transcendent les modèles littéraires
figés imposés par l'Europe.

La tradition orale

La tradition orale est un témoignage qu'une génération transmet à la suivante, ce qui
comprend non seulement ce que l'on raconte des événements du passé, mais aussi
toute une littérature orale où l'imagination a sa part. Il ne faut pas envisager l'oralité
comme l'absence d'écriture, ce qui serait la définir de façon négative, par un manque;
en réalité, la tradition africaine de littérature orale est aussi riche en contenu et en
variété que celle de n'importe quelle autre sphère culturelle qui utilise l'écriture.
Cependant, son étude fait l'objet d'une méthodologie différente qui doit s'accommoder
de la forme même de la transmission des traditions, mythes, contes, etc.
Cette tradition est moins connue du monde occidental que l'art africain, car elle a été
peu étudiée et n'a pas connu les mêmes formes de diffusion. Les récits en prose –
mythes, légendes, contes folkloriques, anecdotes et plaisanteries – sont les formes de
littérature orale qui ont fait l'objet de la plus vaste collecte, mais on trouve dans la
société africaine d'autres formes d'expression, tout aussi importantes. Ce sont les
proverbes, les devinettes, les textes de chanson et de drames, la poésie, les noms
faisant l'éloge des individus (titres honorifiques), et les phrases très difficiles à
prononcer. Ces formes à la base homogène sont remarquablement vivaces, même
auprès des habitants des villes malgré les rapides évolutions culturelles que
connaissent les zones urbaines. De fait, certains gouvernements se sont appuyés sur la
littérature traditionnelle pour promouvoir des idées d'identité et de solidarité
nationalistes. L'influence de l'héritage oral se fait nettement ressentir dans les thèmes,
le style, et l'esprit des oeuvres de nombreux écrivains contemporains.

Mythes et légendes

On a estimé qu'il existait en Afrique plus de deux cent cinquante mille mythes,
légendes et contes populaires. Dans la plupart des récits en prose, on remarque le
même genre – des intrigues – et le même contenu – péripéties, personnages et objets –
que ceux que l'on retrouve dans d'autres sphères culturelles de l'Ancien Monde, unité
résultant du brassage des cultures. Pourtant, chaque société africaine a modelé ces
éléments au sein de sa propre littérature, en fonction de ses propres modes de pensée,
comme le dit un initié peul: «Le savoir est connaissance de l'homme, mais aussi de
tout ce qui n'est pas l'homme, car il lui a été donné de connaître ce qui n'était pas lui»
(Amadou Hampaté Bâ, Koumen).

Parmi les plus célèbres mythes transcrits par des ethnologues figurent les mythes
dogons; dans leur ouvrage le Renard pâle, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen
définissent ainsi les mythes: des «explications indigènes des manifestations de la
nature (anthropologie, botanique, zoologie, géologie, astronomie, anatomie et
physiologie) comme des faits sociaux (structures sociales, religieuses et politiques,
techniques, arts, économie, etc.)». Les mythes et les légendes sont donc rarement
différenciés de l'Histoire dans les classifications indigènes, mais considérés au
contraire comme de vrais récits historiques que l'on distingue des contes populaires,
supposés fictifs. Les contes magiques mettant en scène des animaux comme la tortue,
le lièvre, le lapin, le chevreau ou l'araignée sont les plus connus des récits africains.
Dans les récits magiques mettant en scène des hommes et des dieux, on trouve
principalement des rois et des roturiers, des jumeaux, des chasseurs, des ogres, et le
«petit peuple».

Proverbes, devinettes et contes

Les proverbes sont souvent employés pour renforcer des arguments, et pour enrichir
la conversation. Les utiliser avec habileté est, dans les sociétés africaines, un signe
d'érudition et d'élégance dans l'expression. De nombreux proverbes sont très subtils,
et ne peuvent être compris que par les auditeurs familiarisés avec la culture de celui
qui les énonce; aussi, l'étude des proverbes offre-t-elle une vision précise des valeurs
de base d'un groupe culturel.

Les devinettes ont été beaucoup moins étudiées que les proverbes, car elles sont
principalement utilisées par les enfants. Elles sont plutôt formulées comme des
assertions que comme des questions, et la relation entre l'interrogation et la réponse
peut être subtile au point de nécessiter une connaissance approfondie de la matrice
culturelle. On rencontre aussi des devinettes d'intonation (assertions reliées entre elles
uniquement par la similarité de l'intonation), ou des devinettes-proverbes (adages liés
par le sens, mais qui peuvent être utilisés indépendamment). Parfois les devinettes ne
sont pas destinées à surprendre l'auditoire, mais à établir une sorte de dialogue social,
dans lequel les réponses sont connues de tous, et proférées à l'unisson. Dans la plupart
des sociétés africaines, la plupart des membres du groupe connaissent les devinettes.
Le conte, élevé en Afrique au rang des beaux-arts, peut, dans certaines sociétés, être
rapporté par des conteurs professionnels. Les contes populaires sont généralement
racontés le soir durant la saison sèche, et l'interaction entre le narrateur et l'auditoire
atteint souvent des sommets d'intensité dramatique. Le bon conteur est un acteur
consommé, utilisant ses mains, sa voix et son corps pour renforcer ses effets, quand il
mime les tours du magicien, ou la traque du chasseur. Les devinettes précèdent
souvent la narration, et le conte est ponctué de musique et de chants, avec la
participation du public. L'auditoire peut répondre à une question du narrateur, ou faire
office de choeur en accompagnant les chansons en solo. Au fur et à mesure du
déroulement de l'histoire, le public peut manifester son approbation ou critiquer le
narrateur s'il juge sa performance insatisfaisante.

Fonctions de la tradition orale

Les différentes formes de littérature orale remplissent plusieurs fonctions dans la
société africaine. Sources de distraction, elles ont également une valeur éducative
pour les jeunes, diffusent les rituels et les croyances, encouragent la conformité aux
normes culturelles, et apportent un soulagement psychologique dans un cadre
institutionnalisé. Souvent, une consigne de bonne éducation est ajoutée à la fin des
contes racontés aux enfants, pour insister sur ses implications morales. Les devinettes
servent à dégourdir l'esprit des jeunes gens, tout comme les énigmes dont on ignore la
réponse, qui ont la même fonction auprès de leurs aînés. Les mythes font autorité en
matière de croyance surnaturelle et de pratique rituelle, et servent à justifier la
propriété terrienne, la position sociale et l'autorité politique. Les proverbes peuvent
être utilisés dans la conversation courante pour guider, encourager, complimenter,
admonester ou désapprouver. Ils sont parfois cités dans les tribunaux comme
précédents dans le déroulement d'une plaidoirie, ou utilisés comme artifices
rhétoriques pour impressionner les juges. Des associations de théâtre chez les peuples
parlant la langue ibibio (sud-est du Nigeria) utilisent des pièces satiriques jouées par
des humains et des marionnettes pour exercer une pression sociale sur des personnes
ou des groupes ne parvenant pas à se conformer aux préceptes culturels. Enfin, les
distorsions de la réalité culturelle présentes dans les contes peuvent symboliser
l'accomplissement d'un désir. Les personnages des contes agissent souvent comme les
gens souhaiteraient le faire s'ils n'en étaient empêchés par les limitations sociales.
Ainsi, le conte joue également un rôle de catharsis.

La littérature écrite

Les courants de la littérature écrite, comme ceux de la littérature orale, remontent loin
dans le passé. Antar (Antara ibn Shaddad al-Absi), un guerrier-poète afro-arabe mort
en 615, avant l'avènement de l'islam, est au centre d'un célèbre récit épique intitulé le
Roman d'Antar, 10 volumes, 1865-1877; Antar, le roman d'un bédouin, 4 volumes,
1819-1820 (un tiers de traduction intégrale). Certaines parties de ce prototype de
roman de chevalerie arabe ont été écrites par Antar lui-même. Ses narrateurs ont créé
leur propre style et ont été baptisés «antaristes» antariyya. Certains des vers d'Antar
et d'autres poèmes du long Roman font référence à ses origines africaines, et c'est la
première oeuvre classique dans laquelle on trouve trace de préjugés liés à la couleur
de la peau. Le poète noir Abu Dulama ibn al-Jaun, mort en 777, composa des vers
plein d'esprit pour la cour abbasside de Bagdad. Ziryab (Abul Hasan Ali ibn Nafi), un
Afro-Persan connu sous le nom de «Rossignol noir», se rendit en 822 en Espagne, où
il contribua de façon considérable à l'évolution de la poésie, de la musique et du chant
en Andalousie.

Tous ces poètes étaient nés esclaves. D'autres écrivains africains déracinés se firent
connaître dans différentes parties de l'Europe, et plus tard aux Amériques. Parmi eux,
citons Juan Latino (né en Guinée), qui écrivait en latin, et Afonso Alvares, le premier
à écrire dans une langue européenne (le portugais). L'expérience de l'esclavage puis
de l'affranchissement a inspiré ce qui est sans doute le premier récit d'exil africain
composé dans une langue européenne: The Interesting Narrative of the Life of
Olaudah Equiano or Gustavus Vassa the African, Written by Himself (1789). Dans
cette autobiographie, Equiano décrit son enfance au Nigeria, son enlèvement, sa vie
d'esclave dans le Sud américain et dans les Caraïbes, et enfin sa vie d'homme libre en
Grande-Bretagne.

Les premières traces de littérature écrite en Afrique remontent au XVIIIe siècle, avec
un manuscrit en swahili Ubendi wa Tambuka («le poème épique de Tambuka»), daté
de 1728. Au XIXe siècle, on compte la poésie de Joaquim Dias Cordeiro da Matta
(Angola) et de Caetano da Costa Alegre (São Tomé), ainsi que diverses oeuvres en
xhosa d'Africains du Sud: poèmes et récits autobiographiques et de fiction de Samuel
E. K. Mqhayi; poèmes et hymnes de Kobe Ntsikana; poésie didactique de William W.
Gqoba; écrits contestataires de Hadi Waseluhlangani qu'on appelait «la Harpe du
peuple».

Les pionniers du XXe siècle

Parmi les auteurs pionniers de la littérature noire africaine moderne d'avant 1945 se
détachent quatre figures, dont trois s'expriment dans des langues africaines.
Le premier romancier moderne du continent à atteindre une reconnaissance
internationale, Thomas Mofolo (Afrique du Sud), a écrit trois importants ouvrages de
fiction en sotho du sud: Moeti oa bochabela (1907, le Voyageur de l'Est, 1934), récit
allégorique de la vie africaine dans l'ancien temps et de la conversion des Africains au
christianisme; Pitseng (1910), une histoire d'amour dans un village relatant
l'éducation et la cour amoureuse de deux jeunes gens; et le plus célèbre des trois,
Chaka (1925), une biographie romancée de la grande figure héroïque de l'histoire
zouloue, parue pour la première fois en 1925, traduite ensuite dans de nombreuses
langues européennes. Dans les trois romans, on retrouve l'expression de la culture
chrétienne de Mofolo, mais également la révélation d'une identification profonde avec
son propre peuple et ses traditions culturelles.

Jean-Joseph Rabéarivelo (Madagascar) offre un tragique exemple de l'impact du
colonialisme sur un esprit imaginatif et impressionnable. Rabéarivelo apprend le
français en autodidacte, et rêve de rencontrer les poètes français qu'il admire de loin.
Son pays devient pour lui une prison physique, morale et intellectuelle, ce qui le
conduira au désespoir, puis au suicide. Bien qu'il tire son inspiration des poètes de
France, il intègre dans son oeuvre la qualité de la forme poétique orale malgache
«hain-teny», et développe la technique de la métaphore filée. Sa poésie devient le
substitut de la liberté qu'il est persuadé ne jamais devoir connaître. L'essentiel de son
oeuvre se compose de quatre volumes: Sylves (1927), Volumes (1928), Presquesonges
(1924, publié en 1934), et Traduit de la nuit (1935).

Robert Shaaban (Tanzanie), est le premier écrivain africain en swahili à aborder des
genres différents, inspirés autant de modèles anglais qu'africains. C'est un maître en
techniques traditionnelles, mais il écrit plus pour être lu que pour être chanté. Shaaban
est le premier à militer pour la reconnaissance du swahili comme langue principale de
toute l'Afrique de l'Est, et il écrit des nouvelles et des poèmes pour un public qui,
comme lui, n'a pas suivi d'enseignement supérieur. Ses essais, traitant de sujets très
divers, sont rassemblés dans Kielezo cha Insha (1954, «essais modèles»), et ses autres
oeuvres dans une série de volumes intitulés Diwani ya Shaaban (à partir de 1959).
La fiction moderne en prose en yorouba connaît ses véritables débuts en 1939, quand
Olorunfemi Fagunwa (Nigeria) écrit Ogboju Ode Ninu Igbo Irunmale, traduit par
Wole Soyinka sous le titre The Forest of a Thousand Daemons (1968). Un vieux
chasseur y raconte ses aventures dans la forêt vierge. Beaucoup de ses récits sont des
contes populaires, illustrant les croyances yorouba en matière d'esprits, de fantômes,
et des choses étranges qui peuvent arriver dans la forêt. En même temps, le livre
dépeint les problèmes ordinaires de la vie quotidienne dans les foyers traditionnels, le
tout ponctué de réflexions morales ou éthiques. Les trois romans suivants de Fagunwa
– Igbo Olodumare (1946, «la forêt du Seigneur»), Ireke-Onibudo (1948, «le bâton du
garde»), et Irinkerindo Ninu Igbo Elegbeje: Apa Keta Olodumare (1954, «aventures
dans la forêt d'Elegbeje») – sont tous l'histoire d'une quête. Sa dernière oeuvre, Adiitu
Olodumare (1961, «le secret de Dieu»), est plus réaliste. Fagunwa a montré comment
les bases de la culture populaire pouvaient être intégrées à la fiction moderne. Ce
faisant, il a su convaincre les Yoroubas instruits de la valeur de leur héritage
traditionnel, et a exercé une influence importante sur d'autres écrivains nigerians.

La fiction moderne

Suivant la trace de Fagunwa, et utilisant fréquemment les mêmes éléments, Amos
Tutuola (Nigeria) est l'auteur de six oeuvres de fiction en anglais qui ont retenu
l'attention au niveau international: l'Ivrogne dans la brousse (1952, traduit en français
par Raymond Queneau, titre original The Palm Wine Drinkard); My Life in the Bush
of Ghosts (1954, «ma vie dans la brousse des fantômes») ; Simbi et le satyre de la
jungle noire (1955, Simbi and the Satyr of the Dark Jungle); The Brave African
Huntress (1958, «la vaillante chasseresse africaine») ; The Feather Woman of the
Jungle (1962, «la femme-plume») ; Ajayi and His Inherited Poverty (1967, «comment
Ajaiyi reçut la pauvreté en héritage»). Tous ces récits sont des quêtes mystiques, des
romans qui exploitent des contes et légendes yoroubas, dans un anglais qui ressemble
à l'idiome populaire, mais qui utilise abondamment les références modernes – les
rayons X, les fils électriques, le klaxon, et «le fantôme dont les mains sont des
téléviseurs».

La parution en 1958 de Le monde s'effondre (Things fall apart), de Chinua Achebe,
marque l'essor du roman moderne d'Afrique noire en anglais. Achebe a mis dans sa
fiction tout le monde africain, et son style doit beaucoup à la tradition orale en
dialecte, à l'usage des proverbes, au rythme et à la teneur de la parole. Le monde
s'effondre raconte l'histoire du désarroi d'une petite communauté du Nigeria, jusque-là
soudée et bien organisée, au moment où les premiers missionnaires et les
fonctionnaires coloniaux persuadent certains autochtones d'abandonner leurs
croyances traditionnelles. Le Malaise (1960, No longer at Ease) est une suite, centrée
sur un jeune homme pétri d'aspirations européennes, qui revient dans son village
après avoir fait des études en Angleterre. La Flèche de Dieu (1964, Arrow of God)
montre le christianisme comme une force de division dans la société africaine. La
lutte entre les dieux a été complètement resituée dans l'arène politique.
Dans les années 1960, les écrivains de fiction d'expression anglaise tournent leur
attention vers des problèmes plus contemporains. Dans le Démagogue (1966, A Man
of the People), Achebe utilise la satire pour critiquer le gouvernement corrompu et la
politique d'appareil. Le roman les Interprètes (1965, The Interpreters), de Wole
Soyinka (Nigeria), offre une vue kaléidoscopique de la vie urbaine en Afrique, par
l'intermédiaire des mésaventures simultanées de cinq différents «héros». Saison
d'anomie (1973, A Season of Anomy) est une allégorie illustrant les expériences du
Nigeria sous des gouvernements civils et militaires autoritaires. Les romans de Ayi
Kwei Armah (Ghana) – Deux mille saisons (1973-1974, Two Thousand Seasons),
Fragments (1970), et L'âge d'or n'est pas pour demain (1969, The Beautiful Ones
Are Not Yet Born) – offrent une reconstruction et une évaluation visionnaire du passé,
et simultanément, une vision très réaliste de la corruption et du déclin moral de
l'Afrique indépendante. Le roman allégorique This Earth, My Brother… (1971), de
Kofi Awoonor (Ghana), décrit la dépression mentale d'un jeune homme au milieu de
la confusion morale ambiante.

La fiction noire africaine d'expression française insiste sur la lutte contre le
colonialisme, la recherche d'identité et le combat contre la tyrannie après
l'indépendance. Mongo Beti (Cameroun) a tenté de détruire les prétendants à la
supériorité politique, culturelle et spirituelle. Ses nouvelles font exploser à la fois les
mythes chrétiens et coloniaux. Ville cruelle (1954) décrit la vie de paysans africains
dans une exploitation de bois appartenant à des Européens. Le Pauvre Christ de
Bomba (1956), Mission terminée (1957), et le Roi miraculé: Chronique des Essazam
(1958) sont des études satiriques des absurdités et de la cruauté de la loi coloniale.
Remember Ruben (1974, le titre est en anglais) et Perpétue (1974) traitent de la lutte
juste avant l'indépendance, et de l'impact de la loi autoritaire sur les individus. La
Ruine presque cocasse d'un polichinelle (1979) reprend les mêmes thèmes, mais se
déroule pendant l'indépendance.

Le style de Ferdinand Oyono (Cameroun), d'un réalisme voulu, agrémenté d'un
humour mordant et d'un don d'observation sans pitié, domine ses principaux romans,
Une vie de boy (1956), le Vieux Nègre et la Médaille (1956), et Chemins d'Europe
(1960). La reconstitution pleine d'imagination d'une vision du monde et d'une réalité
authentiquement africaines imprègne l'oeuvre de Camara Laye (Guinée), que ce soit
dans l'autobiographie émouvante et pleine de poésie intitulée l'Enfant noir (1953), ou
dans le Regard du roi (1954), une allégorie complexe de l'interaction entre les valeurs
africaines et européennes.

Ousmane Sembène (Sénégal) a connu une renommée internationale à la fois en tant
que réalisateur de films, et en tant que romancier. Ses romans le Docker noir (1956),
Ô pays, mon beau peuple! (1957), les Bouts de bois de Dieu (1960), l'Harmattan
(1964), et le Dernier de l'empire (1981) sont conçus comme des épopées combinant la
ferveur révolutionnaire et une vision particulièrement humaniste, allant bien au-delà
du récit réaliste dans la description des forces et des faiblesses de l'être humain, de
l'héroïsme et de la solidarité communautaire.

Ngugi wa Thiong'o (Kenya) est devenu le principal romancier moderne de l'Afrique
orientale. Ses trois premiers livres décrivent des Africains sous la férule coloniale.
Enfant, ne pleure pas (1964, Weep not, Child) est une histoire de pauvreté et de
souffrance durant la guerre d'indépendance de son pays. La Rivière de vie (1965, The
River Between) se déroule durant la fondation du Mouvement kikuyu pour les écoles
indépendantes, tentative d'offrir une alternative à l'enseignement missionnaire. Et le
blé jaillira (1967, A Grain of Wheat) est un récit compliqué et fort de trahison et de
souffrance dans les soubresauts de l'indépendance. Les thèmes centraux de Ngugi
sont le pouvoir politique et le mouvement de l'Histoire, tandis que la terre reste son
principal symbole. Pétales de sang (1977, Petals of Blood) et Caitaani Mutharabaini
(1980, écrit en kikuyu et traduit sous le titre le Diable sur la croix), sont des
critiques virulentes du Kenya indépendant.

Le roman de l'écrivain soudanais al-Tayyib Sâlih, Mawsim al-hijra ilâ al-shimâl
(1966, la Saison de la migration vers le nord) s'inspire dans sa forme du récit à la
première personne dans le style de Conrad, dont il propose une interversion
mimétique intéressante. Le roman part du coeur de l'Europe pour retourner au village
natal du narrateur.

L'Afrique du Sud est riche de fiction en langues africaines, avec notamment les
oeuvres de A. C. Jordan et de Jordan K. Ngubane. Le roman de A. C. Jordan,
Inggoubo yeminyaya (1940, «la colère des esprits ancestraux»), est devenu un
classique de la fiction moderne xhosa. Celui de Ngubane, Uvalo Lwezinhlonzi (1957,
«d'un regard, il provoquait la terreur»), écrit en zoulou, fut suivi de Ushamba: The
Hurtle to Blood River, écrit en anglais (1974, édition révisée en 1979), ouvrage
interdit en Afrique du Sud.

Le premier roman d'un écrivain noir d'Afrique du Sud à connaître un succès
international fut Mine Boy (1946), de Peter Abrahams. Parmi ses oeuvres, écrites pour
la plupart alors qu'il vivait au Ghana, en Grande-Bretagne ou à la Jamaïque, on
compte également Rouge est le sang des Noirs (1946), A Wreath for Udomo (1956),
Wild Conquest (1950), le Sentier du tonnerre (1948, The Path of Thunder), et les
deux romans autobiographiques Je ne suis pas un homme libre (1954, Tell Freedom),
et Return to Goli (1953).

Les courts romans d'Alex La Guma offrent une peinture intense des réalités
particulières de la vie en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid, mais vont bien
au-delà des limites du naturalisme en plongeant un regard profond et dérangeant au
coeur de l'humanité. A Walk in the Night (1962) et And a Threefold Cord (1964)
décrivent la vie dans le ghetto du Cap. The Stone Country (1967) est inspiré de
manière très réaliste de la propre expérience de La Guma en prison. In the Fog of the
Season's End (1972) a pour sujet la lutte activiste en Afrique du Sud, et Time of the
Butcherbird (1979) traite de la ségrégation géographique et du déplacement forcé des
populations noires vers les «homelands». Bessie Head, également sud-africaine de
naissance, a passé pratiquement toute sa vie au Botswana; les thèmes de l'exil et de
l'éloignement sont au centre de ses romans When Rainclouds Gather (1969), Maru
(1971) et A Question of Power (1974). Le Zimbabwéen Dambudzo Marechera, mort
du sida en 1987, trace une violente critique de la misère dans la Maison de la faim
(1999, The House of hunger).

Es'kia Mphahlele est le plus célèbre des écrivains noirs d'expression anglaise
d'Afrique du Sud. Son roman, Down Second Avenue (1959) est un chef-d'oeuvre
autobiographique, et il a été suivi d'un second ouvrage du même genre, Afrika My
Music: An Autobiography, 1957-83 (1984). Mphahlele a également écrit des essais de
critique littéraire: Voices in the Whirlwind (1972), et The African Image (1962,
édition revue en 1974), et a traité le thème de l'exil dans deux romans: The
Wanderers (1971) largement inspiré de son propre exil; Chirundu (1980), situé en
Zambie, qui évoque le destin de deux Noirs exilés d'Afrique du Sud, dont l'un
conclura que connaître à nouveau la détention et la torture est encore préférable à
l'exil loin de son pays.

La nouvelle est une forme littéraire qui a fourni une riche moisson à l'Afrique du Sud.
Celles de Mphahlele ont été rassemblées dans les recueils Man Must Live, and Other
Stories (1947), et The Living and The Dead (1961). Nat Nakasa, Can Themba, Arthur
Maimane, Bloke Modisane, Richard Rive, et Alex La Guma, ont entre autres, eux
aussi produits des petits chefs-d'oeuvre de ce genre.

D'expression portugaise, Bernardo Honwana du Mozambique s'est fait connaître lui
aussi pour ses nouvelles. En Angola, José Luandino Vieira, s'est fait remarquer avec
Luuanda (1964), trois longs contes qui restituent le langage et la vie des habitants
pauvres des villes, tandis que Manuel Rui, dans le Porc épique (1999, Quem me dera
ser onda) critique avec férocité la bureaucratie durant l'ère socialiste, dans une satire
de laquelle ne sont pas exclues la tendresse et la réflexion philosophique.

La poésie moderne

La poésie africaine d'expression française est née en dehors du continent, parmi des
auteurs qui ont tenté de redécouvrir leur identité africaine, de réaffirmer un sens perdu
de la dignité, et de proclamer l'héritage de l'histoire et de la culture africaines aux
yeux du monde dominé par l'Europe qui niait son existence. Dans son célèbre Cahier
d'un retour au pays natal (1939), c'est le poète antillais Aimé Césaire qui a donné le
nom de négritude, à cette affirmation de l'identité africaine. Pour Leopold Sédar
Senghor (Sénégal), le concept devient un thème à la fois esthétique et mystique; dans
son essai l'Esthétique négro-africaine (1956), il tente de définir la négritude, qu'il a
illustrée dans son Anthologie de la nouvelle poésie noire et malgache de langue
française (1948). Cette anthologie ainsi que ses propres recueils de poèmes Chants
d'ombre (1945), Éthiopiques (1956), et Nocturnes (1961) ont fait de lui le chantre de
cette négritude que l'on retrouve dans les poèmes de trois autres Africains de l'ouest:
Birago Diop, David Diop et Bernard Dadié. Le poème Souffles (1947), de Birago
Diop, est souvent cité comme exemple de ce mouvement littéraire. Tchicaya U Tam'si
(Congo), entremêle les influences du surréalisme, de Césaire, du symbolisme français,
de l'imagerie catholique romaine, du paysage congolais et de l'angoisse de l'exil dans
cinq puissants recueils de poésie – Feu de brousse (1957), À triche-coeur (1958),
Épitomé: les mots de tête pour le sommaire d'une passion (1962), le Ventre (1964), et
l'Arc musical (1969).

La poésie africaine d'expression anglaise traite de thèmes similaires. On y trouve
souvent en plus un certain sens de l'humour, parfois amer et sardonique, parfois
chaleureux et réellement comique.

Christopher Okigbo (Nigeria) semble échapper à l'aliénation et à la frustration des
générations précédentes. Ses oeuvres les plus connues, Heavensgate (en quatre parties,
1962), et Limits (1964), ont pour thèmes le supplice, l'angoisse, et la purification.
Deux recueils, Idanre (1967), Idanre and Other Poems (1967), et A Shuttle in the
Crypt (1942), ont fait de Wole Soyinka un des plus importants poète nigerian. The
House by the Sea (1978), ouvrage marquant de Kofi Awoonor, comprend une série de
poèmes puissants écrits durant l'année où il a été emprisonné par un gouvernement
militaire.

La poésie sud-africaine d'expression anglaise déborde de la passion de la contestation
et du caractère poignant de l'exil. Dennis Brutus a publié différents recueils – Sirens,
Knuckles and Boots (1963), Letters to Martha and Other Poems from a South
African Prison (1968), Thoughts from Abroad (1970), A Simple Lust (1973), Strains
(1975; édition révisée en 1982), et Stubborn Hope (1978) – qui évoquent
l'emprisonnement, la révolution, la libération, et l'expérience de l'exil. Arthur Nortje,
décrit par Brutus comme «peut-être le meilleur poète sud-africain de notre temps», a
subi l'exil forcé et s'est donné la mort en 1970; ses poèmes sont rassemblés sous le
titre de Dead Roots (1973). À l'instar de Brutus, d'autres poètes importants ont quitté
l'Afrique du Sud pour écrire depuis leur lieu d'exil: parmi les oeuvres de Mongane
Serote, on trouve un important recueil de poésie, Tsetlo (1975), et un roman, To
Every Birth its Blood (1981); parmi celles de Keorapetse Kgositsile, on remarque les
poèmes rassemblés dans Spirits Unchained (1969), For Melba (1970), My Name is
Afrika (1971), The Present Is a Dangerous Place to Live (1974), et Herzspuren
(publié en Allemagne en 1980); Mazisi Kunene, poète et érudit de la littérature
zouloue, s'exprimant en zoulou et en anglais, a tenté dans deux poèmes épiques de
grande envergure – Emperor Shaka the Great (1979) et Anthem of the Decades
(1981) – de restituer l'esprit, la substance, et les techniques de la tradition orale
zouloue.

Le nombre de poètes africains lusophones a considérablement augmenté au cours du
XXe siècle. Parmi les plus célèbres dans les années précédant la Seconde Guerre
mondiale, citons Eugenio Tavares et Jorge Barbosa, tous deux originaires du Cap-
Vert, le poète et folkloriste aveugle Oscar Ribas, de l'Angola, Rui de Noronha, du
Mozambique, et Francisco José Tenreiro, de São Tomé. Le passage à la période
moderne s'effectue à travers l'oeuvre de Mario da Andrade (Angola), pas seulement
par le biais de sa propre poésie, mais par celui de son anthologie riche et originale,
Literatura africana de expressão portuguesa (1967-1968). Parmi les poètes
contemporains, on distingue Agostinho Neto (le premier président de l'Angola),
Valente Malangantana et José Craveirinha, du Mozambique, ainsi que l'Angolais
Antonio Cardoso.

Le théâtre

Bien que l'art dramatique soit un genre florissant dans l'Afrique d'aujourd'hui, le
théâtre sous forme de textes littéraires édités reste rare. Du point de vue de la culture
africaine, les deux éléments ne sont pas contradictoires. Le théâtre est l'un des arts du
spectacle les plus complexes et multidisciplinaires, et son développement remonte
fort loin dans les traditions de l'Afrique noire. Le ntsomi était une forme d'expression
xhosa, comme l'étaient les mascarades du Nigeria. La pièce zouloue
Umxakazawakogingqwayo a été transcrite d'après une représentation orale de la fin du
XIXe siècle. Le conte populaire, le chant des louanges ainsi que certains rituels et
cérémonies avaient eux aussi un côté théâtral. Ils combinaient le chant, la musique, le
mime, la parole scandée, la danse, et d'autres formes d'action symboliques, et
s'accompagnaient de costumes, d'accessoires et de masques, tout en utilisant tous les
éléments – intrigues, presonnages et action – qui se combinent au spectacle pour en
faire du théâtre. Ils ont perduré jusqu'à nos jours, intégrant des éléments
contemporains et souvent aussi des influences extérieures, à leurs modes et
techniques de représentation. Ces traditions ont également donné naissance à de
nouvelles formes modernes, telles que la «concert party» au Ghana, et le «folk
opera» yorouba au Nigeria, qui ne se prêtent pas aisément à la publication de textes
imprimés.

Les arts du spectacle africains se sont également développés sous la forme de pièces
bibliques librement inspirées des Écritures, souvent pleines d'humour grivois, et dans
lesquelles la musique africaine et les chants tiennent une place importante. Dans les
années 1940 et 1950, Hubert Ogunde a sécularisé ce type de théâtre, le transformant
tout d'abord en divertissement populaire, puis en critique sociale judicieuse,
humoristique et efficace. Ogunde, imité par Kola Ogunmola (Nigeria), qui travaille
dans la même veine, sont les créateurs du folk opera yorouba. Le chef-d'oeuvre
d'Ogunmola était une version mise en scène de l'Ivrogne dans la brousse, d'Amos
Tutuola. Oba koso (1964, «Le roi ne pend pas»), de Duro Ladipo, est l'un des rares
folk operas à avoir été publié dans sa langue d'origine, et ses Trois Pièces yorouba
(1964), incluant Oba koso et Oba waja («Le roi est mort»), ont été publiées en
version anglaise. Ces oeuvres, inspirées de l'histoire, des mythes et des légendes
yorouba, sont cependant bien plus savoureuses sous forme de spectacles. Les
dialogues sont réduits au minimum; la langue, très imagée, est truffée de proverbes et
d'allusions; les thèmes sont austères et souvent tragiques, et une grande partie de
l'impact sur le public émane de la musique, du son des tambours, et des danses
cérémonielles.

J. P. Clark (Nigeria) a écrit plusieurs pièces importantes en anglais: Song of Goat
(1960), un drame émouvant se déroulant dans un village de pêcheurs ijaw (delta du
Niger), The Masquerade (1964), The Raft (1964), et Ozidi, une version modernisée et
scénique d'une cérémonie ijaw. Mais le dramaturge le plus significatif du monde
africain reste sans conteste Wole Soyinka (Nigeria). Abordant du point de vue
artistique la prise de conscience de l'identité africaine, s'ancrant dans l'univers
mythique et cosmologique yorouba tout en traitant de sujets contemporains touchant
non seulement au Nigeria, mais à toute l'Afrique, Soyinka a su créer des oeuvres
scéniques d'une grande puissance, souvent sur le ton du comique satirique.
Profondément africaines dans leur expression, leur perception et leur impact sont
universels.

Sa pièce la Danse de la forêt (1963, A Dance of the Forest), qui lui avait été
commandée pour la célébration de l'indépendance du Nigeria, mais qui fut interdite de
représentation, est une oeuvre complexe qui, sur la trame des mythes yorouba,
présente une nation examinant sans complaisance sa propre histoire, ses illusions, et
les choix auxquels son peuple est confronté. Le Lion et le Bijou (1963, The Lion and
the Jewel) et les Tribulations de frère Jero (1963, The Trials of Brother Jero) sont des
satires comiques traitant de la vie dans les villages et dans les villes, et du vernis de
l'européanisme. Un sang fort (1963, The Strong Breed) et les Gens du marais (1963,
The Swamp Dwellers) donnent des portraits poignants de la vie villageoise. La
Récolte de Kongi (1967, Kongi's Harvest) trace le portrait d'un dictateur africain et du
culte de la personnalité qui l'entoure. La Route (1965, The Road), l'Écuyer et la mort
du roi (1975, Death and the King's Horseman) et Fous et Spécialistes (1971,
Madmen and Scientists) sont des drames philosophiques. Ce ne sont que quelques
illustrations de la production théâtrale de Soyinka, qui a fait de lui le dramaturge le
plus prolifique du continent.

Pour l'ensemble de son oeuvre, théâtre, poésie, fiction, mais aussi critique et essais
(Mythe, littérature et le monde africain (1975), Myth, Literature and the African
World), Wole Soyinka s'est vu attribuer en 1986 le prix Nobel de littérature. Premier
auteur noir africain à recevoir cet honneur, Soyinka l'a accepté, non pas en son seul
nom, mais comme une reconnaissance de la réussite littéraire de l'Afrique tout entière.

Internationalisation ou particularismes

L'écrivain d'Afrique noire se trouve confronté à la fois à une internationalisation de
ses codes de référence et à un réflexe d'intériorisation et de «désidéologisation» de
son écriture. Sa recherche des publics et des partenaires culturels devient difficile
pour des raisons à la fois très directement matérielles et financières (à l'exception du
Nigeria, la production africaine dépend encore très largement des maisons d'édition et
des financements non africains) et aussi très intellectuelles (l'écrivain a le choix de
s'exprimer en une langue européenne – et il se coupe de la masse de ses compatriotes
– ou en un parler «national» – et il disparaît dans la balkanisation culturelle). Une
inquiétude morale et tragique traverse de plus en plus cette littérature. Il faut prendre
conscience des liens quasi schizophréniques qui se sont tissés entre les écrivains
africains et leurs publics. Comme le souligne le romancier nigérian Kole Omotoso, les
romans «deviennent les produits d'une espèce de voyeurisme, un coup d'oeil de ceux
qui sont riches, la misère lue en silence par ceux qui n'en ont rien à faire de la
dénoncer».

Source: http://fr.encyclopedia.yahoo.com



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