Alberto Giacometti, né à Borgonovo (Stampa) dans le Val Bregaglia (dans le canton des Grisons, en Suisse) le 10 octobre 1901, mort à Coire (Suisse) le 11 janvier 1966, était un sculpteur et un peintre suisse.
Biographie
Giovanni Giacometti, Portrait d'Alberto enfantIl est l'ainé de quatre enfants. Son père, Giovanni Giacometti, lui-même peintre, le pousse à s'intéresser à l'art. Il fait ses premières œuvres dans le domicile familial, essentiellement des portraits des membres de sa famille ou de ses condisciples, reprenant le style post-impressionniste paternel. Au terme de ses écoles obligatoires, Alberto part étudier à l'École des beaux-arts de Genève avant d’arriver à Paris le 9 janvier 1922[réf. nécessaire] (il prétendit toute sa vie être arrivé à Paris[réf. nécessaire] le 1er janvier). Il fréquente l'atelier d’Antoine Bourdelle à l’académie de la Grande Chaumière de Montparnasse. Il découvre le cubisme, l’art africain et la statuaire grecque et s'en inspire dans ses premières œuvres. Ses sculptures sont en plâtre, parfois peintes secondairement, ou coulées en bronze, technique qu'il pratiquera jusqu'à la fin de sa vie.
Avec son frère, Diego Giacometti, il emménage en avril 1927 rue Hippolyte-Maindron (14e arrondissement) dans « la caverne-atelier » qu'ils ne quitteront plus, malgré sa petite taille et son inconfort. Il alterne ainsi, durant toute sa vie, avec des séjours dans l'atelier paternel, en Suisse, beaucoup plus clair et confortable. La même année, Alberto expose ses premières œuvres au Salon des Tuileries.
Giacometti et les surréalistes
Tête monumentaleAprès avoir créé des sculptures « plates » (Femme cuillère, 1926) et « ouvertes » (Homme et Femme, 1928), Giacometti se rapproche des surréalistes et expose aux côtés de Joan Miró et Jean Arp à la galerie Pierre (1930). Il rencontre Louis Aragon, André Breton, Salvador Dalí, André Masson... Il adhère officiellement au mouvement surréaliste un an plus tard. Il y créée diverses œuvres ainsi que des gravures servant d'illustrations pour des livres de René Crevel, André Breton ou Tristan Tzara. Il participe à la rédaction des revues du groupe.
Avec L’Heure des traces ou la Boule suspendue, Giacometti crée le premier « objet à fonctionnement symbolique » (1930) et une sculpture surréaliste au sens premier du mot : L’Objet invisible (1935). Un exemplaire de cette œuvre est d'ailleurs visible au domicile d'André Breton. « Depuis des années, je n'ai réalisé que des sculptures qui se sont offertes tout achevées à mon esprit ; je me suis borné à les reproduire dans l'espace sans y rien changer, sans me demander ce qu'elles pouvaient signifier. [...] Rien ne m’est jamais apparu sous la forme de tableau, je vois rarement sous la forme de dessin. Les tentatives auxquelles je me suis livré quelquefois, de réalisation consciente d'une table ou même d'une sculpture ont toujours échoué. [...] L’objet une fois construit, j’ai tendance à y retrouver transformés et déplacés des images, des impressions, des faits qui m’ont profondément ému, des formes que je sens m’être très proches, bien que je sois souvent incapable de les identifier, ce qui me les rend toujours plus troublantes... » (Minotaure, 1933).
Rompant avec les surréalistes (1935), Giacometti garde toutefois des relations amicales avec Michel Leiris et Georges Limbour, et ses sculptures ne cesseront d'être présentées dans les diverses expositions surréalistes.
L'inquiétude, le vide, l'incertitude, la violence, l'horreur sont les caractéristiques des sculptures de cette époque : Femme couchée, Femme égorgée, Cage, Fleur en danger, Objet désagréable à jeter, Table surréaliste, le Palais à quatre heures du matin...
L'homme qui marche
Lors de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, il quitte Paris pour Genève. Ne disposant d'aucun atelier, Giacometti réalise des sculptures « semis » pouvant se ranger dans une grosse boîte d'allumettes. À la Libération, il revient à Paris avec Annette Arm (il l'épouse en 1949), retrouve son atelier, et ses sculptures « semis », sorties de leur boîte, croissent « naturellement ». À la recherche de la « vraie réalité », il dépouille ses personnages, les réduit à l'essentiel, les rend filiformes. Passant des heures dans son atelier à retoucher sans cesse le morceau d'argile auquel il ajoute de la matière pour mieux la creuser et en retirer le superflu (« Je ne dessine pas l'œil, je sculpte le regard »), au point que parfois, ses amis lui soustraient une œuvre qu'ils considèrent comme achevée quand Giacometti pense qu'il doit la recommencer.
Dans un premier temps, sa statuaire reste figée, hiératique, ses personnages restant debout, pieds joints, le socle faisant partie intégrante de l'œuvre. Il représente également plusieurs fragments isolés du corps humain (bras, jambe...). Parfois, il reprend plusieurs de ses statues pour les juxtaposer dans une même scénographie (Trois hommes qui marchent, 1948, La forêt, 1950).
Sa première femme qui marche date de 1932 mais il ne reprend cette thématique du mouvement qu'à partir de 1947. Sa renommée est au plus haut : ses œuvres sont acquises par plusieurs grands musées dont la Tate Gallery à Londres.
Ce n'est qu'en 1947 qu'il montre ses dessins et ses sculptures ; effigies nues, allongées, étirées, creuses : Femmes de Venise, Homme qui marche...
En 1954, il rencontre le poète Jean Genet. Il remporte le grand prix de sculpture de la Biennale de Venise de 1962.
À la fin de sa vie, Giacometti juge sévèrement sa période surréaliste. Il la considère comme « catastrophique, une impasse totale » et dénie à ses objets la moindre valeur.
Alberto Giacometti meurt des suites d’un cancer à l’hôpital cantonal de Coire, en Suisse, le 11 janvier 1966. Son corps sera transféré à Borgonovo, dans le caveau de famille.
Sa veuve fonde en 1988 une Fondation Alberto et Annette Giacometti, dont le siège se situe à Paris. Elle comprend de nombreux tableaux et sculptures de l'artiste, ainsi qu'un centre de recherche et de documentation.
Peintures et dessins
Il s'agit d'un pan important de l'œuvre de l'artiste. Il est connu essentiellement pour ses portraits, même s'il a fait quelques paysages ou natures mortes dans sa jeunesse. Il a également peint des tableaux abstraits dans les années 1920 et 1930.
Ses portraits sont faits soit d'après modèles mais également de mémoire. Le nombre de ses modèles est relativement limité. Les plus connus sont son frère Diego et sa femme Annette. Il a également utilisé des modèles professionnels ainsi que certains de ses amis (dont le professeur de philosophie Yanaihara à partir de 1955).
Les portraits de Giacometti se caractérisent par l'absence de décor, le caractère quasi monochrome et sombre de la palette, l'attitude figé du modèle, toujours de face, qui contraste avec l'abondance des retouches au niveau du visage, jusqu'à en effacer l'esquisse initiale.
Citation
« Depuis que j'ai vu des reproductions d'œuvres d'art, et cela remonte à ma plus lointaine enfance, cela se mêle à mes plus anciens souvenirs, j'ai eu l'envie immédiate de copier toutes celles qui m'attiraient le plus et ce plaisir de copier ne m'a en fait jamais plus quitté."..."J'ai commencé à copier avant même de me demander pourquoi je le faisais, probablement pour donner une réalité à mes prédilections, plutôt cette peinture-ci que celle-là, mais depuis des années, je sais que le fait de copier est le meilleur moyen de me rendre compte de ce que je vois...L'art ce n'est qu'un moyen de voir. Quoi que je regarde, tout me dépasse et m'étonne et je ne sais pas exactement ce que je vois. C'est trop complexe. Alors, il faut essayer de copier simplement, pour se rendre un peu compte de ce qu'on voit. C'est comme si la réalité était continuellement derrière les rideaux qu'on arrache... Il y en a encore une autre... toujours une autre. Mais j'ai l'impression ou l'illusion que je fais des progrès tous les jours. C'est cela qui me fait agir, comme si on devait bel et bien arriver à comprendre le noyau de la vie. L'art et la science c'est tâcher de comprendre. L'échec et la réussite sont tout à fait secondaires. »[1]
Principales œuvres
Sculptures
Torse, 1925
Femme cuillère, 1926
Le Couple, 1926
Tête qui contemple, 1927
Femme couchée qui rêve, 1929
Homme et femme », 1929
L’Heure des traces ou La Boule suspendue, 1931
Projet pour un couloir, 1931
Cage, 1931
Objet désagréable à jeter, 1931
Pointe à l’œil, 1932
On ne joue plus, 1932
Femme égorgée, 1932
Main prise, 1932
Table surréaliste, 1933
Le Palais à quatre heures du matin, 1933
Fleur en danger, 1933
L’Objet invisible ou Mains tenant le vide, 1934
La Femme qui marche, 1934
Nuit, 1946
L’Homme au doigt, 1947
Le Nez, 1947
Tête sur tige, 1947
Homme qui marche, 1947
Grande figure, 1949
La Place de la cité, 1949
Le Chariot, 1950
Le Chien, 1951
Tête de Diego sur socle, 1953
Femme debout sur socle cubique, 1953, adjugée pour 616 000 euros en octobre 2007 chez Artcurial Paris. Bronze à patine brune signé et numéroté.
Le Petit Lustre avec figurine, années 1950, adjugée pour 1,86 M€ aux enchères en octobre 2007 chez Artcurial Paris. Œuvre réalisée pour le critique et éditeur Tériade de la revue surréaliste Le Minotaure.
Bust of Diego, 1954
Femmes de Venise, 1956
Grande femme IV, 1960
Grandes figures II et III, 1960
Homme qui marche, 1960; Palais de l' UNESCO, Paris, France
Arbre, sculpture pour le décor d’En attendant Godot de Samuel Beckett, 1961
Peintures
Auto-portrait, 1921
Le Couple, 1926
La Mère de l’artiste, 1937
Pomme sur un buffet, 1937
Stehende Figur, 1947
La rue, 1952
Paysage à Stampa, 1952
Diego in a Plaid Shirt, 1954
Rue d'Alésia, 1954
Annette dans le studio, 1954
Yanaihara, 1958
Annette, 1962
Jean Genet
Michel Leiris
Écrits
Écrits, préfaces de Michel Leiris et Jacques Dupin, éd. Hermann, 1991. Réédition revue et augmentée en 2007.
Principales expositions
Rétrospective à Londres, New-York et Copenhague en 1965 ;
Première rétrospective française au Palais de l'orangerie à Paris en 1969 ;
Rétrospective au musée d’Art moderne de Paris en 1991 ;
L'Atelier d'Alberto Giacometti, exposition Centre Pompidou à Paris, entre le 17 octobre 2007 et le 11 février 2008.
Cote de l'artiste
Deux petites sculptures, intitulées Projet pour un monument pour Gabriel Péri et Projet pour une place ont été vendues récemment à Cologne, chez Lempertz Kunsthaus, pour une valeur de 1 590 000 euros frais compris. L'estimation était de 1 300 000 euros[2].
Bibliographie
Yves Bonnefoy, Alberto Giacometti : biographie d’une œuvre, Flammarion, Paris, 1991.
Jean Clair, Le Nez de Giacometti, éd. Gallimard, Paris, 1992.
Claude Delay, Giacometti, Alberto et Diego, l’histoire cachée, éd. Fayard, Paris, 2007.
Jacques Dupin, Alberto Giacometti, éd. Farrago, 1999.
Reinhold Hohl, Alberto Giacometti, éd. Gerd Hatje, Stuttgart, 1971.
James Lord, Giacometti : biographie, New York, 1983, Nil éditions, 1997.
Suzanne Pagès (directrice de publication), Alberto Giacometti. Sculptures - peintures - dessins, catalogue de l’exposition du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1991-1992.
Jean Soldini, Alberto Giacometti. Le colossal, la mère, le sacré, préface de René Schérer, éd. L’Âge d'homme, Lausanne, 1993.
David Sylvester, Looking at Giacometti, éd. Henry Holt & Co., 1996.