Attribuée au groupe Baoulé,
Côte d’Ivoire centrale
Seconde moitié du XIXe siècle
Terre cuite, bois, corde, kaolin,
métal, peau
Dépôt du musée d’Ethnographie
du Trocadéro au Pavillon des Sessions du musée du Louvre
Cette boîte fut collectée en pays
baoulé en 1933 par l’ethnologue et historien de l’art allemand Hans
Himmelheber, qui le donna la même année au musée d’Ethnographie du Trocadéro.
Elle est aujourd’hui conservée en dépôt au Pavillon des Sessions du musée du
Louvre.
Elle est
composée d’une poterie insérée dans un socle de bois, avec un couvercle en
terre cuite relié par une corde à la nuque du personnage. Le col de la poterie
est entouré d’une lanière de peau et le couvercle est gravé de décors
géométriques.La partie inférieure a la
forme d’un tabouret : on retrouve cette forme dans d’autres objets, par exemple
des pots à onguents. Enfin, la partie supérieure est sculptée d’un petit masque
zoomorphe de chaque côté et d’un masque anthropomorphe à l’arrière, qui peuvent
constituer le décor principal de certains exemplaires.
Une figure humaine se détache sur le devant : il
s’agit d’un personnage androgyne assis, les mains posées sur les genoux, et
dont les pieds reposent sur une petite avancée du socle. Ce personnage semble
porter un masque orné d’un chignon formé de fines tresses réunies au sommet. Sa
propre coiffure est composée d’une tresse transversale qui sépare d’autres
tresses rassemblées sur la nuque par une courte natte. Le visage est fin et
prolongé par une barbe à trois tresses et des scarifications sont visibles sur
le cou et les épaules. De plus le corps porte des traces de kaolin.
Déroulement de la séance de divination
Lorenz Homberger décrit ainsi le
processus chez les Gouro :
Les consultations d’oracles sont
ouvertes à tous, même aux femmes et aux enfants. Le client offre au devin du
vin de palme. Il s’agit souvent de questions au sujet d’une maladie dans la
famille, dont le devin doit trouver l’origine et également proposer des
solutions. Après avoir jeté du riz dans le pot, le devin y place la carapace de
tortue avec les os (gbekre nyma, ce qui signifie « yeux des souris »)
rangés parallèlement les uns aux autres puis ferme le pot. Après que le client
aie formulé sa question, la souris monte dans le compartiment supérieur pour
l’écouter. Puis elle redescend pour questionner la terre à travers un petit
trou dans le fond. Enfin, elle remonte pour « placer » les os. Le
client ôte alors le couvercle, sort la carapace et la pose devant le devin. La
configuration des os est alors lue et interprétée par celui-ci. La souris joue
donc le rôle d’intercesseur. A chaque question formulée, le devin trempe le
bout de chaque os ou baguette dans de la farine, que la souris vient lécher,
modifiant ainsi leur configuration.
Ce mode
de divination a été définit par Alisa La Gamma comme une « interprétation d’un
vocabulaire de signes visuel ».
Débats sur l’origine de la technique
Selon Lorenz
Homberger cette technique de divination aurait élaborée par les ancêtres des
Gouro, qui ont émigré de la région du sud du Mali actuelle au centre de la Côte d’Ivoire entre le XIVème
et le XVIème siècle. Cette technique est utilisée dans le centre et l’est de la Côte d’Ivoire, par les Gouro,
les Baoulé et les Yaouré notamment. Elle fut décrite pour la première fois
en 1899 par Joseph Eysséric, le premier européen a être entré dans le
territoire gouro (en 1897), situé au centre de la Côte d’Ivoire. Les oracles à
souris sont très répandus dans la région nord de cette zone, qui a connu un
grand développement de l’artisanat. Cependant les boîtes gouro sont assez
rudimentaires, sans sculptures ni motifs gravés.
Des débats existent au sujet de
l’origine de la technique, car on ne possède pas de sources précises concernant
son introduction en pays baoulé. Cependant une forme de divination Baoulé
(l’examen de la figure formée par 9 lacets porteurs d’un signe symbolique) est
quand à elle utilisée par les Gouro, ce qui prouve la grande perméabilité des
échanges dans le domaine des rites traditionnels, d’où le
difficulté d’attribuer telle technique à tel groupe.
La rareté des représentations figurées complètes
Même si existe
encore des questionnements au sujet de l’origine de la technique et que
celle-ci est utilisée par plusieurs groupes, les boîtes associées à des
représentations anthropomorphes complètes sont très rares : nous n’en
connaissons en effet que trois, dont celle du
Pavillon des Sessions. Une autre est conservée au musée d’ethnographie de
Neuchâtel et une troisième appartient à la collection Marceau Rivière.
L’exemplaire de
la collection Marceau Rivière possède la même typologie que
l’œuvre du Louvre, c’est à dire une base en forme de tabouret associée à une
figure humaine. Celle-ci (masculine ici) est placée debout à l’arrière du pot
et porte des scarifications sur le visage et le cou, ainsi qu’une ceinture de
perles sur les hanches. Sa position indique qu’il pourrait s’agir d’un
« client ». Dans le cas de l’exemplaire du Louvre, l’attitude et
l’emplacement du personnage suggéreraient qu’il s’agit d’une représentation du
devin propriétaire de l’objet. Certains auteurs affirment que ce type de figures
avait un but ostentatoire, d’autres qu’elles ne contribuaient pas à rehausser
le prestige de son propriétaire.
Conclusion
Cet objet est donc très
intéressant à deux niveaux. Premièrement par le fait que son collecteur et la
date de collecte soit connus, ce qui en fait un objet important dans le corpus
des collections françaises, et deuxièmement par sa représentation figurée
complète, qui constitue une rareté pour ce type d’objet. Néanmoins la
divination utilisant des animaux comme intercesseurs est connue dans d’autres
pays, comme par exemple au Cameroun, avec la technique de divination mettant en
scène des mygales.
Lauren Papet
Ecole du Louvre
Spécialité Arts de l'Afrique
Bibliographie
Die kultur der Baule: fotodokumentation an der
Elfenbeinküste 1933/34-1935 von Hans Himmelheber mit Martin Lippmann, Museum Rietberg, Zürich, 1997
Alain-Michel Boyer, Patrick
Girard, Marceau Rivière, Arts premiers de Côte d’Ivoire, Sépia,
1997
Lorenz Homberger, Where the mouse is
omniscient : the mouse oracle among the Guro, in Insight and
artistry in african divination, Smithsonian Institution Press,
Washington & London, 2000
Alisa LaGamma (dir.), Art and oracle:
african art and rituals of divination, Metropolitan Museum of New York,
2000
Bernard Nantet, Dictionnaire
de l’Afrique, Larousse, Paris, 2006
Susan M. Vogel, L’art baoulé: du visible et de
l’invisible, Adam Biro, Paris, 1999
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