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Arts premiers


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Qu’est-ce que les « arts premiers » ?
Expertise
jeudi 24 août 2006, par Nélia Dias

Source du document : Sciences Humaines
Auteur : Nélia Dias
Descriptif :

Sciences Humaines est un magazine de vulgarisation scientifique spécialisé dans les sciences de l’homme et de la société, qui existe depuis 1991.

Si la notion d’« arts premiers » n’est pas inscrite aujourd’hui au fronton du musée du Quai-Branly, c’est que de « premier » à « primitif », il n’y avait qu’un mauvais pas à franchir. Or un « musée des cultures du monde » ne peut plus être celui d’un regard colonial dépassé (Hors-Série n°3 de Sciences Humaines, juin 2006)
Nélia Dias est Professeur à l’Institut des sciences du travail et de l’entreprise de Lisbonne, elle a publié notamment « Ethnographie, arts et arts premiers : la question des désignations » (in collectif, Les Arts premiers, fondation Calouste-Gulbenkian, 2003)

Depuis une dizaine d'années, on assiste en France à un engouement nouveau mais controversé pour les « arts premiers », qui se manifeste dans les sphères de la presse, de l'édition, sur les rayons des librairies de musées, comme au Louvre, dans les ventes aux enchères et les expositions [1] .

D'où vient cet intérêt récent pour les arts non occidentaux ? Que recouvre la désignation « arts premiers » ? Comment expliquer ce que l'historien de l'art Ernst Gombrich appelait une « préférence pour le primitif [2] [2]  » ? Entraîne-t-elle le rejet de quelque alternative ?

Une évolution du regard

En 1995, avec le projet du musée des Arts premiers soutenu par le président de la République, la désignation « arts premiers » a été mise sur le devant de la scène. Par la suite, comme on le voit aujourd'hui, elle a été officiellement écartée. Rejeté ou critiqué par une bonne partie de la communauté scientifique, en particulier celle des anthropologues, en raison de son ambiguïté sémantique et de son arrière-plan évolutionniste, le terme n'a pas pour autant disparu. Bien au contraire, il a pris de l'ampleur avec l'ouverture, en avril 2000 au Louvre, du pavillon des Sessions, dont les salles présentent plus de cent sculptures d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques. Dans ce lieu d'exposition, les expressions « arts premiers » et « art primitif » sont utilisées de façon interchangeable : la première dénomination apparaît dans le catalogue, la seconde figure sur les panneaux d'entrée et de sortie des salles de ce pavillon. Selon Jacques Kerchache, auteur de la sélection des œuvres et commissaire de l'exposition, il s'agit de montrer les « empreintes laissées par les artistes » issus de cultures disparues [3] . Par l'accent mis sur les oeuvres, les artistes et les créations, le pavillon des Sessions témoignerait d'une « évolution du regard », et se veut le lieu d'une reconnaissance légitime des arts non occidentaux. A l'approche ethnographique centrée sur le contexte culturel des objets et les critères de beauté de ceux qui les ont produits, le regard des arts premiers substitue un jugement universel de beauté. Le rôle joué par les musées d'ethnographie au XXe siècle pour la représentation de l'altérité culturelle serait, au XXIe siècle, par là même dévolu aux musées d'art.

Ce n'est pas un hasard si l'ouverture du musée du Louvre aux arts premiers a été placée sous le patronage de Guillaume Apollinaire, de Félix Fénéon et de Paul Guillaume. Cette démarche représente en effet l'accomplissement d'un projet entamé depuis près d'un siècle. Peu avant sa mort, G. Apollinaire fit campagne dans la presse en faveur de l'entrée de « certains chefs-d'œuvre exotiques » au Louvre. Le critique d'art F. Fénéon publia en 1920 une enquête portant sur l'éventuelle admission des « arts lointains » au Louvre. Ces efforts s'inscrivaient dans le mouvement de découverte de « l'art nègre » par les peintres et sculpteurs occidentaux au début du XXe siècle. Il inspirera, comme on le sait, le cubisme, Pablo Picasso et bien d'autres après. Les objets non occidentaux auxquels se référaient les deux auteurs leur étaient à peu près contemporains et, faute d'un musée d'art moderne et contemporain, ils ne pouvaient que plaider sinon pour l'entrée de ces objets au Louvre, du moins pour la création d'un « musée d'art exotique », selon les vœux de G. Apollinaire. De plus, leur « préférence pour le primitif », dans ce cas précis pour les sculptures d'Afrique et d'Océanie, allait de pair avec une aversion pour l'art académique. L'art nègre, comme on le nommait à l'époque, se trouva donc impliqué dès l'origine dans la crise qu'a connue la sensibilité esthétique occidentale au tournant du XXe siècle. Non sans une certaine ambiguïté, ne serait-ce qu'en raison du malentendu, relevé à juste titre par Michel Leiris dans les années 1960, « qui le faisait regarder comme un art "primitif", relevant de l'instinct plus que de l'activité dirigée [4] [4]  ».

Près d'un siècle plus tard, il semble que le terme « arts premiers » ait été choisi en opposition à « art primitif », imprégné de connotations évolutionnistes. Mais y a-t-il une différence substantielle entre les idées que recouvrent ces deux termes ? C'est dans un contexte historique et intellectuel particulier ? celui de la colonisation ? que la notion d'art primitif a trouvé sa consistance. C'est aussi en raison de ce contexte et de cette histoire qu'elle a fait l'objet d'un travail critique, de la part d'historiens de l'art et d'anthropologues, portant sur ses présupposés théoriques, à savoir la mise en parallèle entre développement culturel et évolution biologique. Si l'anthropologue nord-américain Franz Boas n'a pas hésité à intituler un de ses ouvrages de cette formule en 1927, c'était pour lui conférer une tout autre signification. Par l'accent mis sur l'existence de processus mentaux communs chez tous les hommes, F. Boas cherchait à mettre en valeur l'importance de l'expérience et des circonstances historiques à l'œuvre dans tout phénomène culturel, s'élevant ainsi contre la spontanéité et la simplicité supposées de l'art primitif.

Un art des origines, les origines de l'art

De nouvelles désignations ? « art tribal », « art ethnique » ? ont donc été proposées pour remplacer « art primitif » mais, curieusement, aucune d'entre elles n'a prévalu dans la langue française. « Arts premiers » n'est d'ailleurs guère traduisible en d'autres langues, signe d'une spécificité française qui mériterait d'être étudiée. Dans cet ordre d'idées, cette formule constituerait le dernier chaînon en date d'un long processus de définition et de redéfinition des objets non occidentaux, qualifiés successivement de « curiosités », de « spécimens », d'« objets ethnographiques », d'« art nègre », d'« art primitif » et d'« artefacts ». Outre l'idée d'une antériorité temporelle, « ce qui vient avant les autres », « premier » signifie aussi « ce qui est dans l'état de son origine (...) en concurrence avec primitif [5] [5]  ». C'est dire que si les arts premiers dénotent une dimension temporelle, tout comme l'art primitif, ils renvoient aussi à un art des origines autant qu'aux origines de l'art. En ce sens, la désignation s'inscrit dans une certaine filiation, celle qui va d'André Malraux et de sa notion d'« arts primordiaux » à J. Kerchache en passant par Claude Roy, auteur de Arts premiers, arts sauvages, tome I de L'Art à la source (1965).

Dès 1975, J. Kerchache, collectionneur et marchand d'art, plaidait pour une « connaissance intuitive qualitative des "arts premiers" qui aille nettement au-delà de ces analyses morphologiques, quantitatives et aussi mathématiques que pratiquent les chercheurs [6]  ». Circonscrite à la statuaire, et notamment à la statuaire africaine, l'approche des arts premiers cherche, selon l'auteur, à situer l'objet dans son contexte socioculturel, à examiner ses rôles et ses fonctions afin de « mieux saisir ses qualités esthétiques ». Bref, il s'agit de mettre en évidence le « lien étroit chaque fois spécifique (qui) unit fonction et beauté [7] [7]  ».

Dans le catalogue Art premier en Afrique (1981), J. Kerchache évoque la nécessité d'une « revalorisation de la sculpture des peuples dits "primitifs" sur les plans scientifique et esthétique ». Une telle revalorisation suppose de « regarder autrement » les objets, de « déshabituer notre regard pour le situer dans les justes perspectives », comme le soulignait l'historien de l'art Louis Marin dans ce même catalogue. C'était donc un certain type de regard qui était sollicité, tel que des objets africains fabriqués entre le XVIIe et le XIXe siècle pouvaient être mis côte à côte avec des objets provenant des sociétés sans écriture de Roumanie, de Yougoslavie et de la Grèce archaïque. Ce rapprochement voulu entre des productions artistiques séparées dans le temps et l'espace présuppose un caractère « fruste » des premiers âges de l'humanité, décelable dans la plastique des œuvres. Les productions artistiques non occidentales seraient d'autre part révélatrices, selon L. Marin (traducteur de Structure et fonction dans la société primitive d'Alfred Radcliffe-Brown) de « formes originaires proposant les solutions plastiques fondamentales et offrant un champ inépuisable aux commentaires ultérieurs ».

A partir du moment où ces objets non occidentaux, issus de sociétés sans écriture, incarnent les prémices de l'expression artistique de l'humanité, on ne les saisira vraiment que sous l'angle de l'émotion esthétique. Ils sont censés véhiculer une vérité profonde, impénétrable au discours rationnel (le contraire donc de ce que recommandait F. Boas) et par conséquent uniquement accessible par la voie du sensible. C'est en ce sens que ces objets exigent, selon J. Kerchache, « du spectateur une déculturation pour se plonger dans un monde qui n'existe plus, et dont il nous manque des éléments majeurs ». En d'autres termes, les arts premiers seraient avant tout les arts vestigiels de cultures éteintes.

C'est en 1988, dans L'Art africain, ouvrage dirigé par J. Kerchache, qu'est rappelée pour la première fois la question de l'entrée des arts premiers au Louvre. Deux ans plus tard, un manifeste en faveur de l'égalité des « chefs-d'oœuvre du monde entier », réunissant plus de trois cents signatures, paraît dans les colonnes de Libération. La rencontre de Jacques Chirac, amateur d'arts non occidentaux, avec J. Kerchache transformera ce voeu en un projet culturel. En 1994, lors de l'exposition consacrée à la sculpture taïno au Petit Palais, J. Chirac, alors maire de Paris, affirme sa volonté de faire de cette ville un « haut lieu de la connaissance de la diversité du patrimoine et des cultures du monde ». Un an après, le projet d'un musée des Arts premiers est lancé.

Esthétique et contenus culturels

L'institution muséale a pour caractéristique d'œuvrer sur des fragments, des choses visibles, afin de donner à voir la totalité, l'invisible, indépendamment des configurations que peuvent revêtir les entités abstraites qu'on prétend mettre en exposition : la « société », la « culture » ou « le passé ». Pour ce qui est des arts premiers, ils renvoient à des cultures lointaines dans le temps, bien souvent séparées par de grands pans de passé. La redéfinition des objets non occidentaux comme des objets d'art implique leur assignation à un univers temporellement flou, mais en tout cas situé dans un avant du monde moderne. Par ailleurs, l'émotion esthétique est le terrain d'une communication entre le spectateur et le créateur, l'artiste généralement inconnu que l'on imagine derrière l'objet, qui remplace l'ethnie ou la culture.

Aujourd'hui, la dimension esthétique s'affirme comme une des voies d'approche nouvellement privilégiées de la diversité culturelle. Mais elle n'est pas dépendante d'un engouement particulier pour les arts premiers. A ces derniers, un peu trop tournés vers le passé, certains ont imaginé d'ajouter les « arts derniers ». Concrètement, non sans un brin d'ironie, une galerie privée (le musée des Arts derniers) a été ouverte en 2003 à Paris, avec pour mission d'accueillir les productions d'artistes contemporains africains. En mettant en relief la diversité des techniques artistiques contemporaines et l'hétérogénéité linguistique, sociale et politique des artistes issus de l'Afrique, cet espace d'exposition cherche à questionner les notions d'art africain et d'identité ethnique.

Ce renouveau des liens entre esthétique et contenus culturels n'est d'ailleurs pas réservé au domaine des arts non occidentaux. Le champ de l'histoire de l'art a subi, au cours des dernières décennies, de profonds changements de théorie et de méthode, en se redéployant, par exemple, vers l'étude de l'image. Le développement d'une anthropologie de l'art a fortement contribué à déplacer l'attention portée aux formes des objets vers l'étude de leur pouvoir émotif, de leur efficacité. Il incite à prendre en considération les usages et les attitudes à l'égard des objets matériels, qu'ils soient ou non des objets d'art, et ce indépendamment de leur provenance géographique.

Le développement d'un débat, lors de la mise en projet du musée du Quai-Branly, autour de la notion d'« arts premiers » opposait une initiative venue du monde des collectionneurs à une autre tradition, celle des musées d'ethnographie. Chacun des partis était en mesure de soupçonner l'autre de vouloir détourner ou appauvrir l'objet commun de leur intérêt, de reproduire des visions du monde dépassées, ethnocentriques ou intellectuellement stériles.

Bien sûr, les stéréotypes ont leur vie propre. Récemment, une affiche du Printemps représentant une femme noire légèrement vêtue, dans une pose à la Joséphine Baker, s'intitulait « Africa Instinct ». On peut espérer que, une fois passée la mode des arts premiers, l'ouverture du musée du Quai-Branly ouvre la voie à une présentation des objets non occidentaux qui aille au-delà du débat suranné opposant les tenants de l'approche formelle aux partisans du contexte culturel, et à enrichir la discussion critique autour de la différence culturelle.

 

Notes  
     
     
     
  [1] Voir B. Geoffroy-Schneiter, Arts premiers, Assouline, 2005 ; M. Degli et M. Mauzé, Arts premiers. Le temps de la reconnaissance, Gallimard, 2000 ; dossier « Les Arts premiers au Louvre », Connaissance des arts, hors série, n° 149, 2000 ; G. Mandel, Les Arts premiers. Afrique noire, Australie et Océanie, Amérique du Nord, Solar, 2002 ; et L. Richard, Arts premiers. L'évolution d'un regard, Le Chêne, 2005.
[2] E.H. Gombrich, La Préférence pour le primitif. Épisodes d'une histoire du goût et de l'art en Occident, Phaidon, 2004.
[3] J. Kerchache (dir.), Sculptures. Afrique, Asie, Océanie, Amériques, RMN, 2000.
[4] M. Leiris, Miroir de l'Afrique, Gallimard, 1996.
[5] A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, 3 vol., Le Robert, 2006.
[6] J. Kerchache, « Les arts premiers de l'Est nigérien », Connaissance des arts, n° 285, 1975.
[7] J. Kerchache, Chefs-d'œuvre de l'art africain, musée de Grenoble, 1982.
  




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