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African Paris. Art premier primitif africain
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Anne-Louise Amanieu
Ecole du Louvre
Spécialité Arts de l'Afrique
Février 2008

LES PEINTURES DE L'EGLISE ABBA ANTONIOS

Les peintures sur toile de l'église Abba Antonios de Gondar en Ethiopie ont été collectées par Marcel Griaule et son équipe lors de la mission Dakar-Djibouti en 1932. Elles datent sûrement de la fin du XVIIième siècle et mesurent (pour les morceaux installés au Musée du Quai Branly) environ 2,3 mètres de haut. L'ensemble porte les numéros d'inventaire allant de 31.74.3584 à 31.74.3630.

DESCRIPTION

Les peintures de l'église Abba Antonios sont faites à base d'œuf, sur un support de toile. Elles représentent essentiellement des figures de saints ou des épisodes de l'histoire chrétienne (Ancien et Nouveau Testament, écritures apocryphes), disposés dans des registres superposés.
Au Musée du Quai Branly, la totalité de ce qui a été récolté (environ 60m²) n'est pas exposée. Dans la salle consacrée aux peintures éthiopiennes, à droite on peut voir un saint Georges, suivi d'une représentation de Dieu surmontant le Pacte de Grâce et de douze des prêtres du Ciel, issus du mur ouest de l'église. Face à l'entrée, trois saints cavaliers reconnaissables aux adversaires qu'ils terrassent (des petits personnages nus pour saint Théodore, un centaure au corps de lion et à la queue en forme de double serpent pour saint Claude, l'empereur Julien l'Apostolat qui tenta de restaurer le paganisme pour saint Mercure) surmontent les images des premiers martyrs chrétiens qui ont annoncé l'Evangile, à savoir saint Jean-Baptiste, saint Paul, saint Pierre et saint Etienne. Enfin sur la paroi de gauche on peut voir quatre des rois de l'Ancien Testament dans le registre supérieur (David, Salomon, Ezéchias et Josias) et une quinzaine de prophètes dans le registre inférieur, provenant du mur est. L'ensemble ainsi présenté est relativement lacunaire. En effet, il ne mentionne aucune image du mur sur et les côtés présentés ne sont pas complets.

ANALYSE

Avec la prédominance des couleurs rouge, jaune et bleu, les ombres portées marquées par une distinction dans les tons rouges sur les carnations, le souci de clarté, le fond nu sans ligne d'horizon ni perspective et les motifs décoratifs très sobres, les peintures de l'église d'Abba Antonios sont caractéristiques du premier style gondarien qui se développe entre les années 1560 (lorsque Gondar devient la capitale fixe de la cour) et le règne d'Yyasu Iier au début du XVIIIième siècle. Cette période marquée par le développement de l'urbanisation et l'enrichissement du roi, de son entourage et des notables fait de Gondar un carrefour commercial ainsi qu'un centre politique, économique et religieux important. Entre autres, l'architecture se développe et chaque souverain veut marquer son règne par la construction d'églises, à l'époque, il existe jusqu'à une trentaine d'édifices religieux richement dotés d'objets liturgiques, de vêtements sacerdotaux et de manuscrits (à Abba Antonios on comptait une centaine d'ouvrages dont certains étaient enluminés, signe évoquant de richesse). Selon la légende, Abba Antonios a été construite par le roi Yohannes (règne de 1667 à 1682) mais aucun écrit de l'époque, ou même postérieur, ne mentionne cette construction. La tradition orale rapporte que, lors d'une campagne militaire dans la région du Sennar, vers le cours moyen du Nil Bleu, le roi Yohannes avait invoqué saint Antoine afin de chasser la pluie et le froid qui décimaient ses troupes. Son vœu étant exhaussé, il gagnât une bataille et sur le chemin du retour, il fit deux étapes à Loza et à Samuna Bärr où il ramassa deux pierres. Ses soldats firent de même et au retour à Gondar, saint Antoine lui indiqua en rêve le lieu de Gäbäz Medr pour bâtir son église. Seulement, Yohannes confia la construction à un architecte de confiance qui tenta de le tromper : il fit monter les murs extérieurs en dur mais les murs intérieurs en torchis " comme une vulgaire église de campagne ". L'ingénieur fut sévèrement châtié et Yohannes promit d'en faire reconstruire une plus belle mais il mourut avant même qu'Abba Antonios soit rasée, ceci explique sûrement la surprenante médiocrité d'un bâtiment sensé être d'essence royale. Ainsi, même si les chroniques de l'époque ne mentionnent pas de campagne à Sennar ni de construction d'église dédiée à saint Anto. ine durant le règne de Yohannes, la datation reste tout à fait vraisemblable vers 1670/1690. Deux siècles plus tard, un autre évènement marque l'histoire d'Abba Antonios, toujours conté dans la tradition orale comme un miracle : en 1887, les derviches du Soudan envahissent la région et tentent de brûler l'édifice en empilant des bottes de foin autour des murs. Cependant, l'eau suintant du toit de chaume empêche l'incendie.
L'ensemble de l'église est relativement rare : on n'en connaît que deux autres de la même période, à l'église Däbrä Sina de Gorgora et au monastère de Qoma Fasilädäs. Tous deux sont certes plus complets mais à Gondar, il ne demeure aucun ensemble pictural équivalent du XVIIième siècle. Grâce à sa situation géographique, Gondar a permis l'usage de pigments d'importation puisque les marchands venant d'Europe, du Moyen-Orient ou d'Inde venaient s'approvisionner dans les ports de la Mer Rouge de luxueux produits éthiopiens tels l'or, le musc, l'encens, l'ivoire, les esclaves que les caravanes échangeaient dans les hauts plateaux abyssins. Ainsi, et selon Anaïs Wion et Claire Bosc-Tiere, l'analyse par microspectométrie laser Ramman révèle que les pigments sont principalement d'origine étrangère : jaune d'orpiment, bleu de cobalt, orange de minium, rouge de vermillon… Seules quelques couleurs restent de production locale, à savoir le noir de carbone, le vert d'origine végétale et le blanc de sulfate de calcium. On en déduit donc que de fortes sommes d'argent furent investies à la réalisation de cet ensemble.


Lorsqu'en 1932 Marcel Griaule découvre Abba Antonios, son état est resté inchangé depuis des années et s'est même beaucoup dégradé par les intempéries. L'église avait été construite au sommet d'une colline, comme souvent en Ethiopie, protégée d'une enceinte qui contenait également des oliviers, des sycomores et des genévriers très anciens que d'ailleurs on ne trouve plus que dans les lieux de culte. Le plan est plutôt simple : au centre se trouve le maqdas, un cube de 6m. de côté surmonté d'un cylindre de 2,5m de haut, pièce réservée au clergé qui abrite " la plaque d'autel consacrée, le tabot, représentant les Tables de la Loi remises à Moïse au Sinaï par Yahvé ". Autour, un espace circulaire surmonté d'un toit conique réunie les fidèles qui peuvent admirer les peintures apposées sur les quatre côtés du maqdas, du socle jusqu'au tambour. A l'origine, les murs étaient couverts de 180m² de peintures, il en restait moins de la moitié en 1932.
La place des peintures reste très codifiée. Tout d'abord, elles ne sont pas systématiquement accessibles au fidèle mais seulement dévoilées à certains moments des offices ou pour les grandes cérémonies.
Le voilage et le dévoilage sont donc ritualisés, à cela s'ajoute la semi obscurité qui " empreint de solennité " toute apparition ; mais la place des peintures elle-même a également des caractéristiques précises. Les prêtres et les diacres, face au mur ouest qu'on appelle " façade liturgique ", sont confrontés aux moments les plus marquants de la vie du Christ. Ce sont des images fortes renforçant le message symbolique et soulignant la dédicace de l'église à saint Antoine. La partie supérieure est réservée à l'image du monde céleste avec Dieu le père encadré par le tétramorphe (les animaux symboles des quatre évangélistes) et par les vingt quatre vieillards de l'Apocalypse (seuls douze sont mis en place au Musée du Quai Branly). En dessous, une image nouvelle dans l'iconographie mariale (la Vierge Marie faisant le pacte de Miséricorde avec son fils) ainsi que des images de dévotion relativement communes de scènes bibliques et de saints personnages (descente du Christ aujourd'hui disparue, crucifixion, vierge à l'enfant, annonciation…). Enfin dans le registre inférieur on distingue plusieurs saints de part et d'autre de la porte : saint Georges terrassant le dragon et protecteur de l'église éthiopienne, saint Antoine recevant les attributs monastiques (le scapulaire et la coiffe), saint Macaire " son fils spirituel ", et un certain abba Yohänni, hypothétiquement fondateur du monastère de Däbrä Damo au XIIIième siècle. Un cinquième saint situé entre Antoine et Yohänni reste encore non identifié.
Le mur nord est la partie réservée aux hommes. Son iconographie a pour but d'exalter les valeurs guerrières : " témoignages sanglants en faveur du Christ, saints cavaliers et martyrs ". Tous les saints cavaliers martyrs sont représentés selon un schéma sensiblement identique et sont différenciés par leurs adversaires. En plus des saints Théodore, Claude et Mercure précédemment évoqués, s'ajoutaient Philothée combattant une idole en forme de taureau et Théodore l'Oriental terrassant le roi des Perses. En dessous, disposées dans des sections rectangulaires moins imposantes, des scènes exaltent le courage des premiers martyrs chrétiens qui annoncèrent l'évangile : la décollation de saint Jean-Baptiste, la décapitation de saint Paul, la crucifixion de saint Pierre et la lapidation de saint Etienne.
Du côté sud, l'iconographie s'adresse plutôt aux femmes avec un grand Jugement Dernier (" le Christ en juge suprême séparant les sauvés des damnés ") puis des scènes de l'enfance du Christ tirées des actes de l'Evangile selon saint Luc : visitation, nativité, adoration des mages… complétées par une figure issue des écritures apocryphes, Salomé qui accompagne la Vierge. En dessous se développe une frise de saints personnages : les douze apôtres (dont Jean est manquant, disparu en 1932 et dont Judas a été remplacé par Mathias)  et les Neuf Saints, considérés comme les pères fondateurs de l'Eglise d'Ethiopie qui font le geste de bénédiction ou tiennent la croix. Sur la partie à gauche de la porte on peut voir deux grands saints éthiopiens, Täklä Haymanot et Ewostatéwos, fondateurs des deux principaux mouvements monastiques éthiopiens qui symbolisent l'unité de l'Eglise par leur complémentarité (composition symétrique et opposition des couleurs). Notons qu'aucune partie de ce mur n'est présentée au Musée du Quai Branly.
Enfin, le mur est se trouve dans la partie la plus sombre de l'église, il est en grande partie exposé au Musée, sur la paroi gauche de la salle. Des scènes de l'Ancien Testament qui préfigurent la venue et le sacrifice du Christ s'y déploient sur trois registres (seuls les deux supérieurs sont mis en place). En partie supérieure, abrités par des ombrelles que portent des esclaves, les quatre rois de l'Ancien Testament trônent aux côtés de leurs armes et attributs : David et sa harpe, " vénéré comme l'auteur des Psaumes ", Salomon " considéré comme la fondateur mythique de la royauté éthiopienne par le fils qu'il aurait eu avec Ménélik la rene de Saba ", Ezéchias et Josias, tous deux connus " pour avoir lutté contre les idoles, rétabli la foi en engagé des réformes religieuses ". En dessous, se développe une frise de quinze prophètes de part et d'autre de la fenêtre, surmontant des saints et des saints-moines éthiopiens. D'autres scènes malheureusement très fragmentaires étaient présentent sur le mur est, essentiellement des épisodes de l'Ancien Testament qui préfigurent le sacrifice du Christ que l'on devine par comparaison avec d'autres édifices (le sacrifice d'Isaac, l'arrestation de Suzanne, Daniel dans la fosse aux lions…). Enfin, la scène de la fenêtre illustre un passage de la vie de saint Antoine, lorsque ce dernier partage le pain avec saint Paul l'Ermite, telle une préfiguration de l'eucharistie.
Les peintures d'Abba Antonios forment donc un ensemble très complet. Leur disposition en frise incite à tourner autour du sanctuaire, à l'image des prêtres qui se déplaçaient lors des cérémonies.

En 1932,  Marcel Griaule découvre fortuitement ce magnifique ensemble, même si rien n'annonçait une telle découverte. Dans " l'enlèvement des peintures d'Antonios ", il présente l'église comme un bâtiment en ruines : " l'église se fond dans le bois ; son chaume conique est une innommable matière unie, grise, avec des affaissements, des étais chiches, des ventres lourds au mur circulaire. Champignon pourri. Plus de croix au faîte : un mât rongé par les pluies de quarante saisons, dressé comme un manche de toupie. Une ruine. Il faut avoir le métier dans la peau, décidément, pour sauter le mur d'enceinte d'une pareille misère, et marcher en traînant les jambes dans les herbes grasses, et heurter des pierrailles de tombes invisibles et respirer à pleins poumons l'humidité chargée d'encens ".  Pourtant, dès qu'il entre, il est immédiatement stupéfait par la beauté de ce qui lui fait face : " J'entre. Plus émouvant que neuf fusils Gras braqués, le peloton lumineux de neufs Pères de l'Eglise s'aligne devant moi. C'est brusque comme un coup de feu. […] Que peut-on faire devant cette éclatante apparition de nimbes frais comme des soleils dans une grange en ruines ? Je n'ai jamais vu chose pareille en Abyssinie ".  En effet, lors de son précédent voyage en Ethiopie en 1928/29, Griaule n'avait visité que des églises aux peintures plus récentes. D'ailleurs, le choix de Gondar comme lieu de campement ne fut pas prémédité à cause de nombreux problèmes auxquels fut confrontée la mission à son arrivée à la frontière. Griaule décide donc, dans un but de sauvetage et non de pillage, de ramener ces peintures au Musée du Trocadéro après avoir négocié avec le clergé local. L'opération ne se déroule pas sans heurt et, si Griaule tente de la renouveler pour l'église sainte Marie des Gondariens, il en sera empêché. En échange du renouvellement des toiles par de nouveaux exemplaires faits à la peinture à l'huile en grande partie par le peintre Gaston-Louis Roux (qui a rejoint la mission en juillet 1932) mais également pas Griaule lui-même et par Eric Lutten, la mission se voit autorisée à démaroufler les anciennes peintures. La technique convaincante de Roux a donc porté ses fruits : en lançant un seau d'eau sur une crucifixion réalisée " dans le plus pur style abyssin " selon Michel Leiris, il prouve que les copies sont faites pour résister aux intempéries. Découpées selon des rectangles de 50 par 70cm, les toiles vont être rapportées moins facilement qu'elles n'ont été acquises : craignant une confiscation à la frontière " c'est-à-dire la porte ouverte au pillage ", Marcel Griaule confie les toiles à Roux et Lifszyc qui comptent passer par le Soudan anglo-égyptien alors que Griaule et le reste de l'équipe quitte le pays à la fin du mois de décembre en partant vers l'Erythrée. A cette occasion tout un système est mis en place pour cacher les œuvres rapportées (dont près de 400 manuscrits) : tiroirs à double fond, dispersion dans les différentes caisses de la caravane, camouflage… un tabot est même brûlé car il risquait de trop attirait l'attention des douanes. Le cinq décembre la frontière est franchies sans difficulté ; et en février 1933 lorsque Griaule rencontre le gouverneur éthiopien, il demande seulement de lever la plainte déposée par le Ministère des Affaires Etrangères alors qu'il avait prévu d'aborder la question d'un dédommagement " pour le manque de confiance et les entraves à la recherche de la mission".

CONCLUSION
De retour en France, et c'est relativement surprenant, Marcel Griaule abandonne totalement les études éthiopiennes pour ce consacrer à ce qu'il avait découvert lors d'une autre étude intensive de la mission (c'est-à-dire le peuple Dogon) malgré une grande exposition et l'ouverture d'un département d'Afrique Noire au musée. C'est un ses élèves, Wilhem Staude qui étudie les objets rapportés. Ce dernier note également le devenir assez mystérieux des copies qui, dès 1956, ont déjà en partie disparu. En 2004, Anaïs Wion se rend sur place et confirme cette disparition : l'église semble toujours aussi austère et on ne retrouve qu'une partie des copies dont un saint Georges de grande taille.





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