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Les arts premiers au centre de Kaos
Le Journal des Arts - n° 220 - 9 septembre 2005
    
Le jeune parcours parisien Kaos s’est rapidement imposé comme le rendez-vous mondial incontournable des amateurs d’art primitif. Avec une quatrième édition encore enrichie.
Il aura fallu seulement deux années à Kaos-Parcours des mondes, à Paris à Saint-Germain-des-Prés, fief des arts primitifs, pour s’imposer. Calquée sur le modèle bruxellois de Bruneaf (Brussels non European Art Fair), Kaos est une manifestation à ciel ouvert réunissant des marchands spécialisés concentrés en un même quartier (soit exposant dans leurs murs, soit hébergés par d’autres galeries). Mais alors que Bruneaf est en perte de vitesse depuis quelques années, Kaos monte en puissance. Créé en 2002 sur une idée de Rik Gadella (fondateur entre autres du salon Paris Photo), ce rendez-vous parisien des amateurs d’arts premiers a accueilli la première année 21 galeries autour de l’axe de la rue de Seine, puis 40 participants en 2003. La formule décolle dès 2004 avec 51 exposants venus du monde entier et atteint déjà une renommée internationale. Cette dernière édition avait aussi montré les dérives de la réussite de Kaos : des marchands refusés avaient loué des espaces sur le parcours pour profiter du succès commercial généré par la manifestation. Sans s’étendre sur le sujet, « pour ne pas leur faire de publicité », sa direction a annoncé un renfort de la signalétique « Kaos » afin d’évincer les éventuels parasites.

Incontournable
Cette année, 55 galeries ouvriront les festivités le soir du 14 septembre, dans une ambiance conviviale qui confère à l’événement un charme particulier très apprécié par les visiteurs. 43 marchands européens (dont 23 français), 10 américains, 1 canadien et 1 australien, jalonnent le parcours. Antonio Casanovas de la galerie Arte Y Ritual (Madrid), fidèle à la manifestation depuis le début, explique son choix : « Le marché parisien a toujours été le centre pour l’art tribal, et Kaos a tout de suite fonctionné. Mais avec l’activité accrue des salles de ventes à Paris, l’ouverture prochaine du Musée du quai Branly et un président de la République qui s’intéresse aux arts premiers, Kaos a pris plus de poids. » Un très ancien crochet de Nouvelle-Guinée à patine « grotte », proposé pour un peu plus de 300 000 euros, est l’une des pièces phares du marchand madrilène. Mais il présentera aussi, confidentiellement, aux amateurs éclairés plusieurs objets africains très importants, fang, dogon ou du Nigeria, « et un ivoire du Zaïre plus rare que ceux que l’on a vus dans la vente Bela Hein le 6 juin à Paris » (une des dernières références en matière de records en vente publique), pour des montants de 500 000 à 2 millions d’euros et spécialement mis de côté en backroom. « Tous les grands collectionneurs se déplacent à Paris », affirme encore l’antiquaire. Le Parisien Johann Levy montre un masque mumuye exceptionnel, « un objet unique sans équivalent », pour environ 30 000 euros, et une coupe cérémonielle dogon, « probablement sculptée par le même artiste que celle vendue récemment à Drouot dans la vente Bela Hein », précise le marchand, qui en demande « un prix cohérent, énormément moins cher que celle de Drouot » (vendue au prix record de 504 000 euros). La galerie Flak (Paris) dévoile ses trésors de trois continents : une collection de poupées rituelles Kachina des Indiens Hopi d’Arizona, dont un rare clown Koshare datant des années 1880-1890, pour 12 000 euros ; une collection d’art kanak de dix-huit coquillages gravés par des bagnards de Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle, autour de 20 000 euros l’ensemble ; et un beau masque punu du Gabon, pour près de 30 000 euros. L’African Muse Gallery de Luc Berthier (Paris) présente une série de trente masques de la région des Dan (Côte d’Ivoire), dont un exemplaire « gaegon » chasseur d’esprit kono de l’ancienne collection André Lhote. Pour la galerie Noir d’Ivoire (Paris), ce sera un ensemble important de terres cuites archéologiques du Nigeria, « qui sont toutes en situation légale sur le territoire français », précise son marchand, Reginald Groux. Anthony Meyer, pilier de l’art océanien à Paris, a rigoureusement choisi une quinzaine d’œuvres d’art mélanésien, entre 2 500 et 200 000 euros : masques, sculptures ou objets usuels dont les critères sont la haute qualité esthétique, l’ancienneté et la figure humaine. Un masque de Nouvelle-Guinée de l’ancienne collection du Rijksmuseum voor Volkenkunde (Musée national d’ethnologie) de Leiden (Pays-Bas), une statuette féminine sénoufo de l’ex-collection André Fourquet et un masque eskimau provenant de la Fondation Heye (New York), proposés entre 20 000 et 250 000 euros, sont exposés par l’enseigne new-yorkaise Tambaran. Le Canadien Jacques Germain revient pour la deuxième fois avec une sélection d’une trentaine d’objets africains « frais » et d’approche très classique, issus de vieilles collections américaines (connus, publiés ou à pedigree) et comptant des prix à six chiffres. « Paris est sans conteste le carrefour des arts premiers. La barre est haute et le niveau progresse d’une année sur l’autre. Kaos est devenu un événement mondial incontournable », commente-t-il. Bernard Dulon (Paris) se démarque des autres exposants en présentant dans sa galerie la collection d’art africain Georges Haefeli, dont il est l’expert à l’occasion de la dispersion des pièces à Drouot le 10 octobre (SVV Binoche).

Des nouveaux exposants triés sur le volet
Pour garantir le bon niveau de la manifestation, les nouveaux visages de Kaos sont chaque année validés par un comité informel consultatif composé de grands marchands parisiens du quartier, notamment Alain de Monbrison, considéré comme une sommité pour l’art africain, ou Jacques Barrère pour l’art asiatique. Parmi les nouvelles recrues, Laurent Dodier (Avranches, Manche) met en exergue deux chefs-d’œuvre à plus de 100 000 euros : un masque tatuana de Nouvelle-Irlande de la fameuse collection Hooper et un fétiche baoulé de Côte d’Ivoire soclé par Inagaki. Alain Lecomte, exposant à la première édition mais absent de la manifestation depuis (bien qu’installé à Saint-Germain-des-Prés), effectue un retour remarqué avec un rare masque malinké de Guinée de l’ancienne collection new-yorkaise Leonard Kahan, proposé pour 28 000 euros. Pour son premier Kaos, le Français Stéphane Jacob (Paris), connu surtout pour exposer la peinture contemporaine aborigène, fait un saut dans le temps pour aborder les objets traditionnels anciens aborigènes, tels les boomerangs, propulseurs, lances et masses d’arme, via une importante collection australienne. Des masques du monde entier, « mais aucun spécimen africain, car l’Afrique est trop bien représentée à Paris », sont au cœur de l’exposition du marchand new-yorkais Joseph Gerena, en plus d’une sélection d’objets esquimaux, de l’âge du bronze du Sud-Est asiatique et archaïques des steppes. Linda Pastorino, de la galerie Singkiang (New York), livre un ensemble de colliers ethniques et archéologiques provenant de pays et périodes aussi diverses que l’Égypte ancienne, le Népal du XVIIe siècle ou l’Afrique du XIXe siècle. Enfin, la galerie genevoise Lan Pham vient enrichir les effectifs pour l’Extrême-Orient avec un rarissime bouddha khmer en bois de la fin du XVIIe siècle, des bronzes de la civilisation de Dông Son (Ve siècle av. J.-C.-IIe siècle ap. J.-C.), des céramiques vietnamiennes relativement peu connues en Occident et quelques céramiques cambodgiennes.
Loin des prix fous des ventes publiques, y compris pour des objets médiocres ou communs, tous les antiquaires réunis en force à Kaos misent sur une fréquentation plus assidue des collectionneurs dans les galeries, « pour les faire progresser en connaissance et en goût », comme le souligne Renaud Vanuxem (Paris).
Malvoisin Armelle
KAOS-PARCOURS DES MONDES
- Organisation : Rik Gadella - Nombre d’exposants : 55 - Spécialités : arts d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Océanie - Localisation : rue des Beaux-Arts, rue Guénégaud, rue Jacques-Callot, rue Mazarine, rue de Seine, rue Visconti, quai des Grands-Augustins, quai Malaquais
KAOS-PARCOURS DES MONDES
Arts d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Océanie, du 15 au 18 septembre, 11h-19h, quartier de Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris, accueil à la galerie La grande masse des beaux-arts, 1, rue Jacques-Callot, 75006 Paris, rens. 01 42 72 05 33, www.par cours-des-mondes.com
 
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