L’art indigène des colonies françaises _ Pavillon de Marsan
(Louvre, Paris) 1923
Stéphane Chauvet et l’exposition du pavillon de Marsan
Stéphane Chauvet est né le 27 Novembre 1885, à Béthune dans
le Pas de Calais, il était normand d’origine, riche d’une magnifique hérédité
scientifique et intellectuelle. Son père inventa la lampe à arc et le treuil
Chauvet qui révolutionna les conditions d’exploitation des mines.
Entraîné dans ce courant très jeune, Stephen Chauvet
manifesta une vivacité d’intelligence dont on rencontre peu d’exemples. Lauréat
au concours général, bachelier de philosophie à 15 ans, le naturaliste Mangin,
directeur du Museum, frappé par ses dons d’observation l’arrache à la
préparation de polytechnique pour l’orienter vers la médceine et les sciences
naturelles. Depuis le jour où après la guerre 14-18 il obtint de la veuve du
commandant Bertrand revenant de >Zinder une petite statuette féminine du
Soudan et un masque double, Chauvet fut touché par la grâce de l’art nègre et
par le démon de la collection.
De 1920 à 1935 quinze années durant il sera un des plus
surts animateurs de ce mouvement qui oriente l’opinion publique vers les arts
indigènes et en particulier vers celui des mers du sud qui nous intéresse au
premier plan, avec ce surprenant bonheur qui récompense parfois le flair des
collectionneurs passionnés et persévérants il s’impose tout de suite à cette
corporation si jalouse et si fermée et par un coup de filet qui fait de lui un
prince : l’achat de la collection océanique festetics de Tolna.
Ce riche et noble hongrois avait circulé dans le pacifique
sur un yacht personnel à la fin du XIX et il en avait rapporté beaucoup de
souvenirs. Ces souvenirs après guerre se trouvait sous séquestre , dans sa
propriété des Eucalyptus sur la côte d’Azur. Après mille démarches Chauvet fut assez heureux pour rentrer en
possession de cette collection. Elle était si importante qu’il fût obligé de
louer une remise boulevard de Grenelle pour l’entreposer en attendant qu’il pût
lui trouver un gîte dans un étage de son logis, de la rue de Grenelle, une
vieille maison dont il avait fait un musée et où de nouvelle pièce venaient
sans cesse trouver un cadre dignes d’elles.
Pour l’océanie c’est surtout dans les musées des missions,
dans la collection Oldman, chez des marchands d’Anvers de Bruxelles, ou de
Hamburg qu’il découvrit ses plus chers trésors. Sans compter les achats
effectués ici et là en province ou à Paris chez le père Moris ou chez Heyman.
C’est Chauvet qui recueilli à la vente Loti en janvier 1929 les objets
rapportés de l’île de Pâques par l’auteur de Rarahu. Ainsi se forma une
collection sans doute une des plus belles de France.
Mais la passion de Chauvet est communicative, son intérêt
pour l’art indigène se traduisit
Traduit par du prosélytisme, et anime de nombreuses manifestations.
C’est lui qui au début de l’hiver, 1923.1924 conçoit, écrit et édite en toute
hâte le guide l’exposition consacrée aux arts indigènes des colonies françaises,
au pavillon de Marsan. Déjà il bataille pour un musée colonial, un Tervueren
français, « pour l’instruction de nos compatriotes » et rêve d’un
musée susceptible de provoquer chez de nombreux adolescents l’éclosion d’une
vocation coloniale. Il est du reste curieux, à lire ce catalogue de voir a quoi
se résume l’art océanien.
Le peintre Georges de Miré a fait partie, dans les premières
décennies du XXe siècle, des premiers collectionneurs d'art africain. Sa
collection a été en partie présentée en 1923, lors de l'exposition Art Indigène
des Colonies Françaises, au Pavillon de Marsan (Paris), aux côtés de celles des
artistes André Lhote, Burty Havilland, des écrivains Jean Giraudoux et Félix
Fénéon, des marchands et collectionneurs Paul Guillaume, Bela Hein, Anthony
Morris and Jean Hessel. Cette exposition a été la première manifestation
d'envergure à Paris dédiée à l'art africain, remportant un immense succès.
La collection Georges de Miré a été vendue à l'hôtel Drouot,
le 16 décembre 1931 avec pour experts Charles Ratton et Louis Carré. Plusieurs
de ces pièces sont considérées comme "des chefs-d'œuvre absolus"
(Paudrat in Rubin, 1984: vol. I, 163), notamment la statue Fang acquise par
Epstein, aujourd'hui conservée au musée Dapper, Paris (Dapper, 1997 : 97-100),
et la statue Dogon acquise par Ratton et Carré, puis par Epstein, également
conservée au musée Dapper (Dapper, 1994 : 82). Georges Henri Rivière, qui signa
l'introduction du catalogue de vente confessa en conclusion "Veut-on
connaître le fond de mes pensées? ... Une sorte de dépit que le Trocadéro
[Musée ethnographique du Trocadéro, rebaptisé en 1938 Musée de l'Homme] ne soit
pas encore assez riche pour s'offrir en bloc cette magnifique collection"
(Rivière, 1931 : III).
Cette statue Baulé fait partie des très belles pièces de la
collection Georges de Miré. Elle se distingue en particulier par la manière
dont l'artiste a magnifié tous les critères de beauté de la statuaire Baulé :
hiératisme et équilibre de la pose, exceptionnelle tension des lignes,
allongement du cou, agencement de la coiffure, finesse des modelés et extrême
délicatesse de la gravure.
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Le succès de cette exposition fut tel qu’il s’en dégagea
l’indication formelle d’organiser de temps en temps ; de semblables
manifestations consacrées aux arts dits sauvages. Et ses promoteurs songent à
une exposition plus vaste. Il faudra sept ans pour qu’elle se réalise. Pendant
ces années les collectionneurs commencent à découvrir l’Océanie, et tant que
province artistique et font le départ entre l’art et la curiosité
ethnographico-scientifique jusqu’alors prépondérantes en ces matières.
« il n’y avait guère a écrit Chauvet , avec deux ou
toris autres que MM Breton, Eluard, Moris Rupalley ; Tual, et le soussigné
qui eussent le goût pervers d’apprécier de semblables œuvres. Il a suffit de
cette exposition et de deux ventes à l’hôtel Drouot , (il s’agit sans doute des
ventes Tual et Rupalley) pour que de nouveaux goûts germassent chez maints
collectionneurs.
En février 1930, il participe à l’exposition d’art nègre qui
présente près de 400 pièces de très bonne qualité et dont quelques une sont
même triomphale, dans la galerie du théâtre de Pigalle ; mais il se plaint
que bien des navets côtoient ces pièces triomphales hélas mal présentées manquant
d’explications de logique d’indications de provenance. Il regrette que les
collections de province ne soient pas représentées et que l’on offre qu’un
maigre échantillonnage des collections parisiennes, 52 sur 147 qu’il a
reprérées. Tout cela déjà magnifique lui parait bien maigre au prix de son but
faire de Paris le centre du mouvement en faveur des arts indigènes.
Trois mois plus tard c’est une exposition d’art océanien des
colonies françaises, à la galerie de la renaissance dont la préparation lui demande
plusieurs semaines de travail, et de nombreux voyages en province. A la
fin de cette même année il participe à l’exposition d’art nègre au palais des
beaux arts de Bruxelles, pour faire connaitre l’art des colonies françaises.
Cette même année 1930 l’amitié du maréchal Lyautey et du
gouverneur général Antonetti lui méritent la charge de réaliser dans le cadre
de l’exposition coloniale au palais de synthèse, une exposition des arts
indigènes de toutes les colonies françaises.
La préparation de ces salles lui demanda neuf mois de
travail mais les résultats le payeront de ces efforts , c’est lui aussi qui à
la demande du gouvernements de l’AEF réalise l’exposition d’art nègre au
pavillon de cette colonie.
Et comme il ne sépare pas dans sa ferveur musique et arts
plastiques, c’est lui qui organisa la soirée de gala donné le 17 octobre 1931
par l’institut international pour l’étude des langues et civilisations
africaines au cours de laquelle il fait entendre des airs et des chants de
véritables musique nègres. Les 2000 personnes présentes furent surtout frappés
par les chœurs de chanteurs noirs accompagnés par des instrumentistes de leurs
pays respectifs que le docteur stephen chauvet avait sélectionnés parmi les
soldats indigènes, du camp de saint Maur, et qu’il était allé exercé durant des
mois.
Tout en collectionnant pour lui-même Chauvet songe aussi au
musée Français, et se montre très généreux avec eux. En février 1929, il fait
don d’une très grosse collection d’objet d’art et d’armes africains ou océaniens
au musée du Trocadéro, qui le compte parmi ses bienfaiteurs insignes et a gravé
son nom dans le hall d’entrée. Le musée ethnographique de Rouen (1931), celui
de Lyon (1930) le musée de la marine à Brest (1931-1932), le musée
Ethnographique de Cherbourg (1933) furent également l’objet de ses largesses.
Mais parmi les musées de Province, c’est certainement le musée Lafaye de la
Rochelle que dirige avec autant d’entrain de compétence que d’ingéniosité notre
ami le docteur Loppé qui est l’ »objet de ses soins les plus
attentifs . une salle de ce musée porte son nom en souvenir de nombreuse
donations.
La guerre et un mauvais état de santé interrompirent
pratiquement les travaux du docteur Chauvet. Il avait sur le chantier « un
art de Tahiti et de la Polynésie française », qui n’alla pas au-delà d’une
première ébauche. Les circonstances ne s’y prêtaient pas . de fait il passa
l’essentiel de la guerre en Dordogne et mourrut commandant de la légion d’honneur le 2 avril 1950.