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GALERIE ART PREMIER AFRICAIN GALERIE ART PRIMITIF AFRICAIN AFRICAN ART GALLERY

African Paris. Art premier primitif africain
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Informations géographiques
Coordonnées 48° 51′ 39″ N 2° 17′ 51″ E / 48.860833, 2.2975
Pays  France
Ville Paris
Informations générales
Collections arts africains
arts asiatiques
arts océaniens
arts américains
Nombre d'œuvres 3 500 en exposition
300 000 au total
Superficie 40 600 m²
Informations visiteurs
Date d'ouverture 20 juin 2006
Visiteurs / an 952 000 (2006)
1 452 000 (2007)
Adresse 37, quai Branly, 75007  

Le musée du quai Branly ou musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques (civilisations non occidentales) est situé quai Branly dans le VIIe arrondissement de Paris, à la place qui fut occupée par le ministère du Commerce extérieur. Projet ambitieux porté par Jacques Chirac (passionné d'"arts premiers") et réalisé par Jean Nouvel, il fut inauguré le 20 juin 2006.

 Historique

Jacques Kerchache, marchand d'art et spécialiste en art africain, essaie dès le début des années 1990 de faire entrer les « arts premiers » (terme qu'il a inventé) au musée du Louvre. En 1990, il signe dans le journal Libération un article sur ce sujet ; cette même année, il rencontre Jacques Chirac, alors maire de Paris. Ce dernier, qu'on dit passionné par les "arts premiers", est élu président de la République en 1995. Dès son arrivée à la tête de l'État, il demande l'ouverture d'un département des arts premiers au musée du Louvre. Un an plus tard, il annonce le projet de création d'un nouveau musée, qui rencontre rapidement une opposition, notamment avec une grève des collaborateurs du musée de l'Homme en 1999 qui s'opposent au démantèlement des collections du musée de l'Homme et critiquent la primauté du choix esthétique au détriment des considérations scientifiques.

Un concours d'architecture est lancé en 1999, désignant Jean Nouvel comme architecte.

Ce musée est inauguré le 20 juin 2006 par Jacques Chirac, en présence notamment de Kofi Annan, Rigoberta Menchú, Paul Okalik, Dominique de Villepin, Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin. Le musée du quai Branly a le statut d'établissement public administratif. Il est placé sous la triple tutelle du ministère de la Culture et de la Communication, du ministère de l'Éducation nationale et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Le musée est ouvert au public depuis le 23 juin 2006.

De temps à autre, un point sur la fréquentation du musée permet de voir l'évolution du nombre de visiteurs. Après un mois d'ouverture où il y a eu 151 000 visiteurs, la moyenne se situe autour de 125 000 visiteurs par mois.

20 juin 2006 : inauguration du musée.
23 juin 2006[1]  : 8 757 personnes ont fréquenté le musée le jour de son ouverture au public.
20 septembre 2006[1] : 350 000 personnes ont visité le musée.
19 décembre 2006[1] : 800 000 personnes ont visité le musée.
31 décembre 2006[1] : 952 000 personnes ont visité le musée.
7 janvier 2007[1] : le cap d'un million de visiteurs cumulés est franchi.
Septembre 2007[1] : le cap des deux millions de visiteurs cumulés est franchi.
31 octobre 2007[1] : 2 175 000 personnes ont visité le musée.
31 décembre 2007[1] : 2 404 000 personnes ont visité le musée.
31 janvier 2008[1] : 2 520 470 personnes ont visité le musée. La fréquentation mensuelle est d'environ 115 000 personnes

Collections

Le musée réunit les anciennes collections d'ethnologie du musée de l'Homme (abrité par le Palais de Chaillot) et celles du musée national des arts d’Afrique et d'Océanie (installé à la Porte Dorée). Environ 300 000 objets ont ainsi été transférés du musée de l'Homme ; 3500 sont exposés sur le plateau des collections permanentes. Vaste espace sans cloisons, les œuvres sont réparties en grandes « zones » continentales : l’Afrique, l’Asie, l’Océanie et les Amériques. Les objets sont accessibles au plus grand nombre grâce à une contextualisation soutenue par différents niveaux d’information : cartels, médiateurs culturels, textes et multimédias incluant photographies, films et musiques.

En complément du plateau des collections permanentes, dix expositions temporaires par an, réparties entre les galeries suspendues du plateau des collections et la Galerie jardin, espace des grandes expositions internationales, permettent de présenter des thématiques de fond tout en donnant à voir la richesse des collections.


Bâtiment

L'ensemble occupe une surface de 40 600 m² répartie sur quatre bâtiments capotés, et expose 3 500 objets, sélectionnés dans une collection qui en regroupe 300 000. L'immeuble de cinq étages couvert par un mur végétal de 800 m² a été conçu par l'architecte Jean Nouvel en partie en référence à la tour Eiffel proche comme un pont de 3 200 tonnes (500 000 boulons) sur lequel trente et une cellules multimédias ou plus techniques sont arrimées au-dessus d'un jardin de 18 000 m² conçu par l'architecte-paysagiste Gilles Clément. Ce jardin, composé de sentiers, petites collines, chemins dallés de pierres de torrent, bassins propices à la méditation et à la rêverie, sera planté de 178 arbres. Le musée a coûté près de 233 millions d'euros.

Les quatre bâtiments sont :

- le musée lui-même, dont la galerie principale, longue de 200 mètres, comporte plusieurs salles latérales qui sont représentées extérieurement par les boîtes colorées. Le musée comprend également un auditorium, des salles de cours, une salle de lecture, un espace d'exposition temporaire, un restaurant ;
- le bâtiment Université comprenant une librairie, des bureaux et des ateliers ;
- le bâtiment Branly (au niveau du mur végétal de près de 800 m², conçu par Patrick Blanc) qui comprend l'administration du site sur cinq niveaux ;
- l'auvent, qui comprend la médiathèque et les réserves.

Un parcours sinusoïdal en faible montée de plusieurs mètres conduit de la petite entrée du site jusqu'aux collections plongées dans la pénombre.

Revue

Le musée publie depuis 2005 la revue d'anthropologie et de muséologie Gradhiva. Cette revue, fondée par Michel Leiris et Jean Jamin en 1986, est consacrée à la recherche contemporaine en ethnologie, à l'histoire de l'anthropologie, aux archives de grands ethnologues et aux esthétiques non-occidentales. De part sa destination, Gradhiva s'intéresse régulièrement aux collections du Musée du quai Branly.

Controverses

Avant l'ouverture
La création du musée, le plus grand projet de ce genre dans le monde, fut sujette à quelques controverses avant son ouverture :

Art ou culture ? Avec le transfert d'une bonne partie des pièces exposées précédemment au musée de l'Homme, la question se pose à nouveau du rapport entre ce qui relève des arts — et qui a vocation à être exposé dans le musée du quai Branly — et ce qui relève de la culture.
Qu'est-ce qu'un "art premier" ? La notion d'"art premier", relativement nouvelle, est elle-même sujette à question, car elle pourrait tendre à faire passer les peuples qui l'ont produit comme primitifs. Cette conception évolutionniste est largement remise en cause aujourd'hui, notamment de la part des anthropologues. Et si au début de la mise en forme du projet la qualification « Musée des arts premiers » était parfois avancée, aujourd'hui il semble parfaitement impropre de le dénommer ainsi. Malgré cette connotation, le terme "arts premiers" est rentré dans le langage courant.
Égalité de représentation pour tous les peuples du monde. Si le musée a vocation d'exposer les productions artistiques des civilisations du monde entier, on constate néanmoins une grande disparité de représentation. Par exemple, l'ouverture de ce musée a suscité au Québec des protestations en raison de la quasi-absence d'œuvres canadiennes. Ainsi, les Inuits du Grand Nord sont représentés par un simple peigne, et les premières nations du Québec, par deux ceintures tissées.
L'ensemble des critiques se rapportant à la genèse, à la création et au coût de ce musée font l'objet d'un ouvrage de l'ethnologue Bernard Dupaigne, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, paru en 2006 sous le titre « Le scandale des arts premiers. La véritable histoire du musée du quai Branly ».


Après l'ouverture
Tandis que depuis 1992, le musée national de Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa demande le retour de tous les restes de dépouilles māories dispersées de par le monde, Stéphane Martin, directeur du musée du Quai Branly à Paris, s’est opposé, comme la Ministre de la culture Christine Albanel, à la restitution de ceux conservés en France. Le Musée détient en effet quatre têtes māories dans sa collection, et selon le directeur, « les crânes sont conservés à l’abri dans une pièce très spéciale et ne seront pas exposés au public ». La polémique s'appuie sur le statut de ces têtes, restes humains pour les uns, soumis à la loi sur la bioéthique et devant alors être rendus, œuvres d'art des collections des Musées de France, inaliénables selon l'article 11 de la loi du 4 janvier 2002 relative aux Musées de France.

Un autre sujet de controverse est le coût pharaonique de ce musée, tant au niveau du dépassement important du budget de construction qu'en ce qui concerne les coûts d'exploitation, comme le montre l'audit de la Cour des comptes. De plus, le bâtiment en lui-même a posé de nombreux problèmes (circulation, éclairage, finitions, etc.). A cet effet, plusieurs campagne d'aménagements et de travaux ont été entamés en 2008.

Annexes

Bibliographie

Bernard Dupaigne, Le Scandale des arts premiers. La véritable histoire du musée du quai Branly, Mille et une nuits, Paris, 2006, ISBN 284205962X, 261 p.
Germain Viatte, Yves Le Fur, Christine Hemmet et Hélène Joubert, Le guide du musée du quai Branly, Musée du Quai Branly, Paris, 2006, ISBN 2915133182, 307 p.
Stéphane Martin, Chefs-d'œuvre : Dans les collections du musée du quai Branly, Musée du Quai Branly, Paris, 2006, ISBN 2915133212, 113 p.
L’étrange étranger – « D’un regard l’autre », l’exposition-manifeste du musée du quai Branly, Télérama, Hors-Série, 20 septembre 2006.
Quai Branly – le musée de l’Autre, Télérama, Hors-Série, 20 juin 2006.
Benoît De L’Estoile, Le goût des autres. De l’exposition coloniale aux arts premiers, Paris, Flammarion, 2007.
Sally Price, Paris Primitive: Jacques Chirac's Museum on the Quai Branly, Chicago, University of Chicago Press, 2007 (Paris Primitif : le musée de Jacques Chirac sur le quai Branly, publication prévue en novembre 2007).
Rita Di Lorenzo, « Notre musée d’autrui - Réflexions sur la beauté du Musée du Quai Branly », paru dans MEI – Médiation et Information n. 24/25 (2006), Paris, éd. Harmattan, avril 2007.
Thule, Rivista italiana di Studi Americanistici n°16-17 Regards croisés sur l’objet ethnographique : autour des arts premiers (sous la direction de Giulia Bogliolo Bruna), 2006.


Musée du Quai Branly et immigration
Rouge Midi, mardi 3 octobre 2006, Aminata Traoré
« Ainsi nos oeuvres d’art ont droit de cité là où nous sommes, dans l’ensemble, interdits de séjour » (04/07/2006)
L’auteur de cet article, Aminata Traoré, est essayiste et ancienne Ministre de la culture et du Tourisme du Mali.

Talents et compétences président donc au tri des candidats africains à l’immigration en France selon la loi Sarkozy dite de « l’immigration choisie » qui a été votée en mai 2006 par l’Assemblée nationale française. Le ministre français de l’Intérieur s’est offert le luxe de venir nous le signifier, en Afrique, en invitant nos gouvernants à jouer le rôle de geôliers de la « racaille » dont la France ne veut plus sur son sol. Au même moment, du fait du verrouillage de l’axe Maroc/Espagne, après les événements sanglants de Ceuta et Melilla, des candidats africains à l’émigration clandestine, en majorité jeunes, qui tentent de passer par les îles Canaries meurent par centaines, dans l’indifférence générale, au large des côtes mauritaniennes et sénégalaises. L’Europe forteresse, dont la France est l’une des chevilles ouvrières, déploie, en ce moment, une véritable armada contre ces quêteurs de passerelles en vue de les éloigner le plus loin possible de ses frontières.

Les oeuvres d’art, qui sont aujourd’hui à l’honneur au Musée du Quai Branly, appartiennent d’abord et avant tout aux peuples déshérités du Mali, du Bénin, de la Guinée, du Niger, du Burkina-Faso, du Cameroun, du Congo. Elles constituent une part substantielle du patrimoine culturel et artistique de ces « sans visa » dont certains sont morts par balles à Ceuta et Melilla et des « sans papiers » qui sont quotidiennement traqués au coeur de l’Europe et, quand ils sont arrêtés, rendus, menottes aux poings à leur pays d’origine. Dans ma « Lettre au Président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général », je retiens le Musée du Quai Branly comme l’une des expressions parfaites de ces contradictions, incohérences et paradoxes de la France dans ses rapports à l’Afrique. A l’heure où celui-ci ouvre ses portes au public, je continue de me demander jusqu’où iront les puissants de ce monde dans l’arrogance et le viol de notre imaginaire.

Nous sommes invités, aujourd’hui, à célébrer avec l’ancienne puissance coloniale une oeuvre architecturale, incontestablement belle, ainsi que notre propre déchéance et la complaisance de ceux qui, acteurs politiques et institutionnels africains, estiment que nos biens culturels sont mieux dans les beaux édifices du Nord que sous nos propres cieux. Je conteste le fait que l’idée de créer un musée de cette importance puisse naître, non pas d’un examen rigoureux, critique et partagé des rapports entre l’Europe et l’Afrique, l’Asie, l’Amérique et l’Océanie dont les pièces sont originaires, mais de l’amitié d’un Chef d’Etat avec un collectionneur d’oeuvre d’art qu’il a rencontré un jour sur une plage de l’île Maurice. Les trois cent mille pièces que le Musée du Quai Branly abrite constituent un véritable trésor de guerre en raison du mode d’acquisition de certaines d’entre elles et le trafic d’influence auquel celui-ci donne parfois lieu entre la France et les pays dont elles sont originaires.

Je ne sais pas comment les transactions se sont opérées du temps de François 1er, de Louis XIV et au XIXième siècle pour les pièces les plus anciennes. Je sais, par contre, qu’en son temps, Catherine Trautman, à l’époque ministre de la culture de la France dont j’étais l’homologue malienne, m’avait demandé d’autoriser l’achat pour le Musée du Quai Branly d’une statuette de Tial appartenant à un collectionneur belge. De peur de participer au blanchiment d’une oeuvre d’art qui serait sortie frauduleusement de notre pays, j’ai proposé que la France l’achète (pour la coquette somme de deux cents millions de francs CFA), pour nous la restituer afin que nous puissions ensuite la lui prêter. Je me suis entendue dire, au niveau du Comité d’orientation dont j’étais l’un des membres que l’argent du contribuable français ne pouvait pas être utilisé dans l’acquisition d’une pièce qui reviendrait au Mali. Exclue à partir de ce moment de la négociation, j’ai appris par la suite que l’Etat malien, qui n’a pas de compte à rendre à ses contribuables, a acheté la pièce en question en vue de la prêter au Musée.

Alors, que célèbre-t-on aujourd’hui ? S’agit-il de la sanctuarisation de la passion que le Président des Français a en partage avec son ami disparu ainsi que le talent de l’architecte du Musée ou les droits culturels, économiques, politiques et sociaux des peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et d’Océanie ?

Le Musée du Quai Branly est bâti, de mon point de vue, sur un profond et douloureux paradoxe à partir du moment où la quasi totalité des Africains, des Amérindiens, des Aborigènes d’Australie, dont le talent et la créativité sont célébrés, n’en franchiront jamais le seuil compte tenu de la loi sur l’immigration choisie. Il est vrai que des dispositions sont prises pour que nous puissions consulter les archives via l’Internet. Nos oeuvres ont droit de cité là où nous sommes, dans l’ensemble, interdits de séjour. A l’intention de ceux qui voudraient voir le message politique derrière l’esthétique, le dialogue des cultures derrière la beauté des oeuvres, je crains que l’on soit loin du compte. Un masque africain sur la place de la République n’est d’aucune utilité face à la honte et à l’humiliation subies par les Africains et les autres peuples pillés dans le cadre d’une certaine coopération au développement.

Bienvenue donc au Musée de l’interpellation qui contribuera - je l’espère - à édifier les opinions publiques française, africaine et mondiale sur l’une des manières dont l’Europe continue de se servir et d’asservir d’autres peuples du monde tout en prétendant le contraire. Pour terminer je voudrais m’adresser, encore une fois, à ces oeuvres de l’esprit qui sauront intercéder auprès des opinions publiques pour nous.

« Vous nous manquez terriblement. Notre pays, le Mali et l’Afrique tout entière continuent de subir bien des bouleversements. Aux Dieux des Chrétiens et des Musulmans qui vous ont contesté votre place dans nos coeurs et vos fonctions dans nos sociétés s’est ajouté le Dieu argent. Vous devez en savoir quelque chose au regard des transactions dont certaines nouvelles acquisitions de ce musée ont été l’objet. Il est le moteur du marché dit « libre » et « concurrentiel » qui est supposé être le paradis sur Terre alors qu’il n’est que gouffre pour l’Afrique. Appauvris, désemparés et manipulés par des dirigeants convertis au dogme du marché, vos peuples s’en prennent les uns aux autres, s’entretuent ou fuient.

Parfois, ils viennent buter contre le long mur de l’indifférence, dont Schengen. N’entendez-vous pas, de plus en plus, les lamentations de ceux et celles qui empruntent la voie terrestre, se perdre dans le Sahara ou se noyer dans les eaux de la Méditerranée ?

Tout de suite on se sent protégé...dès le plus jeune âge

N’entendez-vous point les cris de ces centaines de naufragés dont des femmes enceintes et des enfants en bas âge ? Si oui, ne restez pas muettes, ne vous sentez pas impuissantes. Soyez la voix de vos peuples et témoignez pour eux. Rappelez à ceux qui vous veulent tant ici dans leurs musées et aux citoyens français et européens qui les visitent que l’annulation totale et immédiate de la dette extérieure de l’Afrique est primordiale. Dites-leur surtout que libéré de ce fardeau, du dogme du tout marché qui justifie la tutelle du FMI et de la Banque mondiale, le continent noir redressera la tête et l’échine. »


Musée du Quai Branly: monument de l'ère Chirac
SaphirNews, jeudi 24 août 2006, Aurélien Soucheyre

Le Président de la République a inauguré mardi 20 juin le Musée du quai Branly. Les portes se sont ouvertes au public le vendredi 23 juin. Ce musée est dédié aux arts issus des civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. C’est l’architecte Jean Nouvel qui a conçu cet édifice (04/07/2006)

Jacques Chirac a présenté en grande pompe, et avec de nombreuses personnalités politiques, le seul monument qu'il aura fait s'élever dans la capitale sous son mandat. Le chef de l'État était accompagné de Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, de la quatémaltèque Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, du Premier ministre du territoire indien canadien, Paul Okalik, de l'ancien Président sénégalais Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, de Stéphane Martin, président du musée et du Premier ministre Dominique de Villepin ainsi que ses deux prédécesseurs, Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin.
 

 
Cette institution, fidèle aux goûts du Président, prend le relais des « grands travaux présidentiels ». Un bâtiment et une réalisation culturelle qui assurent la postérité du chef d'Etat, comme précédemment le centre Beaubourg de Pompidou, la Cité des Sciences de La Villette voulue par Giscard d'Estaing et aussi le Grand Louvre, la Bibliothèque, l'Arche de la Défense, et l'Opéra Bastille souhaités par Mitterrand.

Les lieux ont coûté 232 millions d'euros et espèrent 900 000 visiteurs par an. 9 000 curieux ont été accueillis lors de la première journée d'ouverture. Au total, 30 000 personnes ont profité des trois jours de gratuité du musée. Un succès qui s'explique par une ouverture amplement médiatisée.
 

« Un lieu dédié aux cultures autres »

 
Le projet de ce musée a été lancé en 1996 par le Président de la République. Patronné par l'Unesco, il devait promouvoir la reconnaissance du patrimoine des civilisations non occidentales.
C'est avec « une grande joie et une grande émotion » que Chirac a présenté cet événement « d'une grande portée culturelle, politique et morale. » Lors de l'inauguration, le chef de l'Etat a promis une « incomparable expérience esthétique » ainsi « qu'une leçon d'humanité indispensable à notre temps. » Il a souhaité rendre hommage « à des peuples auxquels au fil des âges l'histoire à trop souvent fait violence. » Une démarche qui s'inscrit dans le « refus de l'ethnocentrisme, de cette prétention déraisonnable et inacceptable de l'occident à porter pour lui seul le destin de l'humanité. » Il a de plus souligné qu'il n'existe pas plus de « hiérarchie entre les arts et les cultures qu'il n'en existe entre les peuples. »
 

 
La mise en place de cette nouvelle institution a pourtant été compliquée et pleine de péripéties. Un conflit a d'ailleurs éclaté entre les défenseurs d'une conception ethnographique de l'art et ceux qui soutenaient son aspect esthétique dès la naissance du futur musée.

Jacques Kerchache, marchand et collectionneur d'art « primitif » décédé depuis 2001, est aussi à l'origine du projet. En 1984, il demande à François Mitterrand que « les oeuvres des trois quarts de l'humanité » puissent entrer au Louvre. En 1990, il avait publier un manifeste « Pour que les chefs-d'oeuvre du monde entier naissent libres et égaux ». La même année, il rencontre Jacques Chirac. Débute alors la genèse du musée. Avant l'ouverture, le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss, 98 ans, s'est déplacé lui même afin d'admirer la collection. Une des salles du musée porte en hommage son nom.

Une architecture détonante.

 
 
L'architecte Jean Nouvel a remporté le concours pour le Musée du quai Branly en 1999. Un projet inespéré : l'occasion de construire un grand monument en plein Paris. Mais que faire pour accueillir une telle collection à deux pas de la tour Eiffel ? « Je voulais accueillir ces objets avant de les exhiber » déclare l'artiste. Pourtant ce musée se veut plus qu'un simple bâtiment, et c'est un « périple » qu'il faut parcourir pour accéder aux œuvres.
Jean Nouvel ainsi que son équipe de 25 collaborateurs, ont souhaité créer non pas une architecture mais un « territoire. »Des paysagistes, dont Gilles Clément et Patrick Blanc, des scénographes, des conservateurs, des scientifiques et des artistes ont participé à cette œuvre commune. Au total, le musée de 40 600 m2 est composé de quatre édifices. Il s'élève au coeur d'un jardin de 18 000 m2. Le bâtiment principal, posé sur pilotis, épouse sur 200 mètres la courbe de la seine située en face.
 
 
Ce musée s'explore donc avant de se visiter. Première étape : la palissade de verre de l'entrée principale. Puis le grand jardin, parsemés de quelques mares, qui demande encore à grandir. Il sera bientôt plus sauvage et verdoyant. Les façades sont tantôt tapissées de verdure, parfois hérissées de brise-soleil ou arborent des boites suspendues dont la taille et les couleurs varient. Le peintre aborigène John Mawurndjul et plusieurs de ses compatriotes ont décoré quelques plafonds.
Ce lieu se veut plus qu'un simple musée. Il est conçu de manière à ce que l'on vienne y lire, écouter et applaudir. A la fois lieu d'étonnements, d'études et de divertissements. On y trouve une bibliothèque, une iconothèque, un restaurant, une terrasse, un jardin, une médiathèque, une salle de conférence… Il se veut moderne et possède de nombreux écrans tactiles. Au final, on notera que cet ensemble d'édifices est une œuvre collective.

Les trésors de Branly

 
 
La sélection du musée est rigoureuse : seulement 10% des 300 000 objets de la réserve sont exposés. 3 500 pièces, regroupés dans 300 vitrines, peuvent ainsi être visionnées de manière constante sur le vaste plateau des collections permanentes. 25 000 de ces différentes œuvres proviennent de l'ancien Musée de la porte Dorée. 250 000 sont issues du Musée de l'Homme. Enfin, avant l'ouverture, le Musée Branly a acheté environ 6 000 pièces. Cependant, 10% des œuvres sont sensibles à la lumière et en rotation annuelle, d'où des lumières tamisées pour les protéger.

L'entrée se fait dans une large salle aux tons blancs avec de fines vitres rouges. A l'intérieur, se trouve une rampe d'accès lumineuse et sinueuse conduisant à la salle principale. Un cylindre transparent et traversant les étages présente la réserve des instruments de musique. Des projections vidéo ont lieu sur le sol, de méduses, fleurs, vagues et paysages. Des sons passent dont des bruits de mer ou d'autres d'inspirations africaines La fin de l'ascension débouche sur un couloir où règne la pénombre.
On arrive alors sur le plateau des expositions permanentes. L'ambiance est sombre et les tons sont ocres. Le plafond est obscur avec une multitude de lumières diffuses, rappelant un ciel étoilé. Le spectateur est de suite appelé à prendre son temps pour admirer. Première œuvre en évidence : une statue en bois, de style djennenke et venue de la falaise de Bandiagara, au Mali.
 

 
Le plateau est divisé en quatre zones géographiques, puis regroupé en parties historiques. Se suivent alors coquillages, masques, statuettes, tapis, enluminures, amulettes, manuscrits, trônes, totems, fusils ornés, défenses d'éléphants sculptés, chapeaux de danse emplumés, pipes avec pierreries incrustées, tableaux, boucles d'oreilles, capes colorées, fer forgé, dagues, poignards et sabres, poupées rituelles, sacs de couchages en peau de phoques, poupes de pirogue, tuniques de guerriers sioux, gantelets, stèles funéraires, tablettes coraniques, reliques… Le monde entier, en dehors de l'Europe, semble figurer dans ce grand bateau.

Frappé par la beauté, l'imagination, le réalisme, l'expression de ses œuvres, le spectateur peut ensuite poursuivre l'expérience. Des panneaux explicatifs et des documentaires permettent de mieux comprendre ces objets qui impressionnent d'autant plus. Le contexte de ces pièces magnifiques et à l'histoire riche rappellent l'inestimable valeur de la collection, en dehors des ses attributs esthétiques.

Réactions

 
 
L'architecture du bâtiment fait quasiment l'unanimité, et la collection du musée rassemble. Selon Noémie, touriste néerlandaise : « l'architecture est apaisante et présente bien les magnifiques collections. » Simon, étudiant, apprécie la qualité des pièces exposées : « La concentration d'ouvres est impressionnante, on apprend énormément ». Khalid, amateur d'art, partage cet avis mais déplore le manque de repères : « un voyage fabuleux, mais la signalétique est insuffisante. » Mathilde, retraitée, regrette que les collections ne soient pas clairement séparées : « on passe de l'une à l'autre. C'est difficile de s'y retrouver, mais la sensation de voyage est très prenante. »

D'autres trouvent quelques détails à critiquer, comme Thibault, parisien curieux, qui considère que les « instruments de musique sont négligés, mais l'idée du cylindre transparent est bonne ! » La luminosité du labyrinthique plateau permanent divise aussi. Josiane est mécontente : « l'éclairage est mauvais, les vitres sont trop sombres et des reflets gênent l'observation. » Mais Pierre, professeur d'arts plastiques, apprécie « cette lumière tamisée qui créé une atmosphère agréable » Il ajoute que « l'ambiance est saisissante, la séparation avec l'extérieur est marquée. J'ai parfois le sentiment de communiquer avec les objets. »
 
Lucien, chômeur, trouve que la « finition a été rapide ». Il reviendra pour voir « le jardin terminé. »On sent par moments que le musée a été fini dans la précipitation, avec six mois de retard. La salle des expositions temporaires et le jardin sont encore en travaux. On aperçoit parfois quelques ratés sur les murs, avec des peintures abîmées. Les enthousiastes sont nombreux. Jean, l'un des responsables de la sécurité du musée, adore « ce coté mystérieux voir magique. », il progresse « de surprises en surprises » et ajoute qu'il a la chance de pouvoir « observer ces œuvres gratuitement. »
La circulation peut parfois s'avérer difficile. Certains couloirs sont étroits et les cubes n'acceptent pas plus de 10 personnes. A l'extérieur, l'attente est parfois longue car la salle des expositions accueille « juste » 1 400 personnes simultanément. Cependant, les œuvres attendues sont là. La progression se veut autant ethnographique qu'esthétique.
 
Les panneaux explicatifs se trouvent sur les côtés. Selon, Jean-Pierre Mohen, directeur des collections, les différents « objets doivent être vus comme des actions de la société qui les a produits ».Ainsi, le contexte est restitué. Des écrans tactiles présentent des films documentaires. De nombreuses interviews sont disponibles ainsi que des historiques. Plusieurs visiteurs ont déploré un étiquetage insuffisant. La signalétique est en retard, son installation n'est pas terminée. Au final, elle sera être trilingue (français, anglais, espagnol).

Cependant, si le visiteur s'interroge sur les modes d'acquisition de ces trésors, la réponse quant à la provenance de ces œuvres n'est que très légèrement abordée. Il ne faut pas oublier que la majeure partie des pièces exposées peut être le fait de pillages qui se poursuivent depuis deux siècles. Un pillage dont le trafic est actuellement estimé entre 2 et 4,5 milliards d'euros par an.


Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République française, à l'occasion de l'inauguration du Musée du Quai Branly.
Discours prononcé le 20 juin 2006.

Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Mon cher Kofi ANNAN, merci de votre présence, de ce voyage et de votre volonté d’apporter un hommage des Nations Unies à notre œuvre, Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, Cher Abdou DIOUF, Messieurs les Premier ministres, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs, chers amis,

Et spécialement, vous me permettrez de saluer avec joie et respect la présence de Claude LEVI-STRAUSS. Il est incontestablement l’un des témoignages les plus accomplis de l’intelligence contemporaine, il a apporté beaucoup d’essentiel dans la réflexion qui nous a conduit, notamment, à cette réalisation. Je suis particulièrement heureux que ce théâtre où nous sommes réunis aujourd’hui porte son nom.

C’est pour moi une grande joie et aussi une grande émotion que d’inaugurer aujourd’hui, avec vous, venus du monde entier, le musée du quai Branly. Je vous remercie très cordialement d’avoir répondu à mon invitation car c’est, je le crois, un évènement d’une grande portée culturelle, politique et morale.

Cette nouvelle institution dédiée aux cultures autres sera, pour celles et ceux qui la visiteront, une incomparable expérience esthétique en même temps qu’une leçon d’humanité indispensable à notre temps.

Alors que le monde voit se mêler les nations, comme jamais dans l’histoire, il était nécessaire d’imaginer un lieu original qui rende justice à l’infinie diversité des cultures, un lieu qui manifeste un autre regard sur le génie des peuples et des civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.

Au nom de ce sentiment de respect et de reconnaissance, j’ai décidé en 1998, en plein accord avec le Premier ministre, M. Lionel JOSPIN, la création de ce musée. Il s’agissait pour la France de rendre l’hommage qui leur est dû à des peuples auxquels, au fil des âges, l’histoire a trop souvent fait violence. Peuples brutalisés, exterminés par des conquérants avides et brutaux. Peuples humiliés et méprisés, auxquels on allait jusqu’à dénier qu’ils eussent une histoire. Peuples aujourd’hui encore souvent marginalisés, fragilisés, menacés par l’avancée inexorable de la modernité. Peuples qui veulent néanmoins voir leur dignité restaurée et reconnue.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous élaborons, à Genève, une déclaration sur les droits des peuples autochtones, déclaration à laquelle je sais que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi ANNAN est particulièrement attaché, de même que mon amie, Mme Rigoberta MENCHU TUM, qui participe beaucoup à l’élaboration de cette déclaration. Et c’est dans cet esprit, également que j’avais salué, chère Eliane TOLEDO, l’élection de votre mari à la présidence du Pérou, et je vous demande de lui transmettre mes cordiales amitiés. C’est la raison qui m’avait conduit, Monsieur le Premier ministre, cher Paul OKALIK, à me rendre en 1999 au Nunavut, avec notre ami Jean CHRETIEN.

Au cœur de notre démarche, il y a le refus de l’ethnocentrisme, de cette prétention déraisonnable et inacceptable de l’Occident à porter, en lui seul, le destin de l’humanité. Il y a le rejet de ce faux évolutionnisme qui prétend que certains peuples seraient comme figés à un stade antérieur de l’évolution humaine, que leurs cultures dites "primitives" ne vaudraient que comme objets d’étude pour l’ethnologue ou, au mieux, sources d’inspiration pour l’artiste occidental.

Ce sont là des préjugés absurdes et choquants. Ils doivent être combattus. Car il n’existe pas plus de hiérarchie entre les arts et les cultures qu’il n’existe de hiérarchie entre les peuples. C’est d’abord cette conviction, celle de l’égale dignité des cultures du monde, qui fonde le musée du quai Branly.

Je tiens aujourd’hui à rendre hommage à ses inspirateurs, au premier rang desquels le regretté Jacques KERCHACHE, qui a conçu et voulu ce projet. Avec lui, en 1992, alors qu’on célébrait de toutes parts le cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique, nous avions décidé d’organiser à Paris une grande exposition dédiée aux civilisations des Grandes Antilles, et plus particulièrement aux Indiens tainos d’origine arawak, ce peuple qui accueillit Christophe COLOMB sur les rives des Amériques avant d’être anéanti. C’est à Jacques KERCHACHE également que nous devons les salles admirables du pavillon des Sessions au sein même du musée du Louvre.

Je tiens à remercier très chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce musée du quai Branly et qui se sont surpassés pour que tout soit prêt en temps et en heure.

Jean NOUVEL, Gilles CLEMENT et leurs équipes, qui nous offrent un bâtiment à l’architecture pleinement maîtrisée, empreinte de respect pour le visiteur, pour l’environnement, pour les œuvres et pour les cultures dont elles sont issues.

Germain VIATTE et les conservateurs, dont la superbe présentation muséographique croise les parcours et dépasse l’opposition factice entre approche esthétique et approche ethnographique, invitant le visiteur au plaisir de la découverte et de la sensibilité, pour qu’il ouvre son regard et qu’il élargisse son horizon.

Stéphane MARTIN et ses collaborateurs, qui animent cette institution originale et sauront faire d’elle un pôle incontestable d’enseignement, de recherche et de dialogue, un lieu de création contemporaine attestant la vitalité des cultures auxquelles il est dédié. Une vitalité dont témoignent les superbes plafonds aborigènes australiens, et je félicite encore les artistes. Je remercie aussi chaleureusement les représentants du gouvernement australien, qui s’est montré extrêmement dynamique et généreux pour la France.

J’exprime aussi ma profonde gratitude à tous les mécènes qui ont entouré le projet et qui l’ont soutenu avec tant de générosité.

Le musée du quai Branly sera, bien sûr, l’un des plus importants musées dédiés aux arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, avec une collection de près de 300 000 objets, parmi lesquels des œuvres exceptionnelles qui peuvent figurer au premier rang des créations mondiales, comme ce mât héraldique de Colombie britannique ou la splendide, la superbe sculpture monumentale Djennenke provenant du plateau de Bandiagara au Mali.

Mais il est beaucoup plus qu’un musée. En multipliant les points de vue, il ambitionne de restituer, dans toute leur profondeur et leur complexité, les arts et les civilisations de tous ces continents. Par là, il veut promouvoir, auprès du public le plus large, un autre regard, plus ouvert et plus respectueux, en dissipant les brumes de l’ignorance, de la condescendance ou de l’arrogance qui, dans le passé, ont été si souvent présentes et ont nourri la méfiance, le mépris, le rejet.

Loin des stéréotypes du sauvage ou du primitif, il veut faire comprendre la valeur éminente de ces cultures différentes, parfois englouties, souvent menacées, ces "fleurs fragiles de la différence" qu’évoque Claude LEVI STRAUSS et qu’il faut à tout prix préserver.

Car ces peuples, dits "premiers", sont riches d’intelligence, de culture, d’histoire. Ils sont dépositaires de sagesses ancestrales, d’un imaginaire raffiné, peuplé de mythes merveilleux, de hautes expressions artistiques dont les chefs-d’œuvre n’ont rien à envier aux plus belles productions de l’art occidental.

En montrant qu’il existe d’autres manières d’agir et de penser, d’autres relations entre les êtres, d’autres rapports au monde, le musée du quai Branly célèbre la luxuriante, fascinante et magnifique variété des œuvres de l’homme. Il proclame qu’aucun peuple, aucune nation, aucune civilisation n’épuise ni ne résume le génie humain. Chaque culture l’enrichit de sa part de beauté et de vérité, et c’est seulement dans leurs expressions toujours renouvelées que s’entrevoit l’universel qui nous rassemble.

Cette diversité est un trésor que nous devons plus que jamais préserver. A la faveur de la mondialisation, l’humanité entrevoit, d’un côté, la possibilité de son unité, rêve séculaire des utopistes, devenu aujourd’hui la promesse de notre destin. Mais, dans le même temps, la standardisation gagne du terrain, avec le développement planétaire de la loi du marché. Pourtant, qui ne voit qu’une mondialisation qui serait aussi une uniformisation, ne ferait qu’exacerber les tensions identitaires, au risque d’allumer des incendies meurtriers ? Qui ne sent une nouvelle exigence éthique, face aux questions si déroutantes que porte le développement rapide des connaissances scientifiques et de nos réalisations technologiques ? Alors que nous tâtonnons, à la recherche d’un modèle de développement qui préserve notre environnement, qui ne cherche un autre regard sur l’homme et sur la nature ?

Tel est aussi l’enjeu de ce musée. Dresser, face à l’emprise terne et menaçante de l’uniformité, la diversité infinie des peuples et des arts. Offrir l’imaginaire, l’inspiration, le rêve contre les tentations du désenchantement. Donner à voir ces interactions, cette collaboration des cultures, décrite, là encore, par Claude LEVI-STRAUSS, qui ne cesse d’entrelacer les fils de l’aventure humaine. Promouvoir, contre l’affrontement des identités et les logiques de l’enfermement et du ghetto, l’exigence du décloisonnement, de l’ouverture et de la compréhension mutuelle. Rassembler toutes celles et tous ceux qui, à travers le monde, s’emploient à faire progresser le dialogue des cultures et des civilisations.

Cette ambition, la France l’a pleinement faite sienne. Elle la porte inlassablement dans les enceintes internationales et au cœur des grands problèmes du monde. Elle la porte avec ardeur et conviction, car elle est conforme à sa vocation, celle d’une nation de tout temps éprise d’universel mais qui, au fil d’une histoire tumultueuse, a appris la valeur de l’altérité.

Mesdames, Messieurs,

Plus que jamais, le destin du monde est là : dans la capacité des peuples à porter les uns sur les autres un regard instruit, à faire dialoguer leurs différences et leurs cultures pour que, dans son infinie diversité, l’humanité se rassemble autour des valeurs qui l’unissent réellement.

Puisse le visiteur qui franchira les portes du musée de ce quai Branly être saisi par l’émotion et l’émerveillement. Puisse-t-il naître à la conscience de ce savoir irremplaçable et devenir à son tour le porteur de ce message, un message de paix, de tolérance et de respect des autres.

Je vous remercie.


Musée du Quai Branly: l'art du paradoxe français
Débat 2007, jeudi 24 août 2006, Frédéric Monlouis-Félicité

Si, comme le dit Montaigne, tout homme est le « reflet de l’humaine condition », alors l’inauguration du Musée du Quai Branly restera comme l’un des symboles les plus forts de la fin programmée de l’ethnocentrisme (13/07/2006)

Depuis le 20 juin dernier Paris dispose enfin d'un écrin pour abriter les merveilles de l'art non-occidental. Ce n'est que justice pour des objets de grande valeur qui ont trop longtemps souffert d'un triple exil. Exil esthétique tout d'abord, "l'art nègre" des années 30 ayant beaucoup servi de faire-valoir aux artistes européens sans pour autant conférer la respectabilité artistique aux œuvres dont ces artistes tiraient leur inspiration. Exil académique ensuite, malgré l'immense aura de Claude Levi-Strauss, les spécialistes de la question ayant quelque difficulté à intéresser public et tutelles à la nécessité d'investir dans la recherche et la diffusion d'un savoir qui ne parle pas directement du nombril occidental. Relégation physique enfin, dans les réserves ou les salles poussiéreuses de musées, tel le défunt Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie (MAAO), dont la mauvaise conscience post-coloniale comme les contraintes architecturales rendaient illusoire toute tentative de renouveau in situ. Le discours d'inauguration du Président de la République nous rappelle aux principes d'universalité qui font la singularité du message de la France dans le monde : de même qu'il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les peuples, il n'y a de hiérarchie entre les arts. Ce message, dans sa simplicité et sa générosité, met en lumière ce musée unique au monde, destiné à apporter une "incomparable expérience esthétique en même temps qu'une leçon d'humanité indispensable à notre temps".

Le musée a ouvert grand les fenêtres mais un brusque courant d'air a fait claquer la porte de la maison France. Au moment même où le chef de l'exécutif souligne des principes humanistes d'ouverture et de reconnaissance qui dépassent largement le domaine esthétique, le législatif se crispe dans l'édification illusoire d'une ligne Maginot anti-immigration. Les flux migratoires sont comme l'eau qui contourne les obstacles et finit toujours par trouver un passage. Le candidat à l'exil prend des risques personnels considérables pour des raisons sur lesquelles les lois n'ont que peu de prise : survivre souvent, améliorer sa condition matérielle toujours. Si, à l'instar des Mexicanos aux Etats-Unis il y a quelques semaines, les travailleurs immigrés avec ou sans papiers s'arrêtaient de travailler une journée entière, on comprendrait immédiatement, par le chaos créé, l'impact économique réel de ces agents de nettoyage ou de sécurité, cuisiniers, ouvriers ou gardes d'enfants. Peu qualifiés, peu payés mais indispensables à la bonne marche économique d'un pays dans lequel des dizaines de milliers d'offres d'emploi de l'ANPE restent vacantes fautes de candidats pour des postes pénibles ou peu gratifiants. Les nombreux ouvriers et agents du musée du Quai Branly en sont d'ailleurs la preuve très actuelle. Chacun convient que le problème le plus épineux concerne l'immigration clandestine contre laquelle il est indispensable de lutter, et ces quelques lignes n'ont pas pour objet d'y remédier. Mais la confusion actuelle, au moment où les nouvelles dispositions légales doivent s'appliquer, engendre le malaise : familles et enfants potentiellement expulsables, préfets dont le pouvoir discrétionnaire de régularisation est encadré par peu de critères objectifs. L'émotion grandissante, certes alimentée par des médias en manque de faits divers larmoyants, est bien loin de la "leçon d'humanité indispensable à notre temps" célébrée par Jacques Chirac.

La France a une responsabilité historique qui dépasse ses seules frontières. Non seulement à l'égard de ses anciennes colonies (sur un tout autre registre que celui - malheureusement dominant - de la culpabilisation), mais bien au-delà de sa sphère d'influence traditionnelle, car elle est avec les Etats-Unis le seul pays porteur d'un message à vocation universelle. Il y a pourtant deux différences essentielles avec les Etats-Unis. D'abord la France perd peu à peu sa position dominante dans son pré carré traditionnel, particulièrement au bénéfice de la Chine et des Etats-Unis en Afrique. Ensuite, et surtout, la France ne fait plus rêver les étrangers. Elle en a pourtant la capacité, mais notre mélange désarmant d'arrogance inopportune et d'autoflagellation repentante présente au monde un modèle bien peu rayonnant. Nous n'attirerons pas les meilleurs dans notre huis-clos frileux : ils traverseront l'Atlantique pour s'installer dans un pays où la circulation des hommes et des idées est encore une réalité - malgré le durcissement récent de la législation - et dans lequel un acteur autrichien bodybuildé de seconde zone peut devenir gouverneur d'un puissant Etat. Les autres, ceux qui n'ont comme diplôme que leurs deux mains, continueront d'affluer par des moyens détournés si les voies légales se ferment. Le résultat final risque ainsi d'être à l'exact opposé de l'effet recherché : davantage ou autant de clandestins, une élite qualifiée introuvable et surtout une influence morale internationale durablement atteinte.

Le décloisonnement et l'ouverture sont la condition sine qua nonpour conserver une influence dans le monde qui s'annonce. Ce n'est pas simplement une exhortation humanitaire à accueillir la misère du monde, c'est une exigence de realpolitik sans laquelle la vocation universelle de la France ne sera plus bientôt qu'une expression creuse, les moyens de la puissance - qu'ils soient économiques, financiers, militaires ou diplomatiques – s'amenuisant de plus en plus. Les migrants qui choisissent la France sont à la fois le terreau dans lequel cette vocation se développe et son meilleur vecteur de projection dans le monde.



Vive les arts premiers
La Libre, 19 juin 2006, Guy Duplat

Un nouveau grand musée s’ouvre à Paris : le quai Branly. Il rassemble les collections d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et d’Asie. Jean Nouvel signe une puissante architecture qui nous plonge dans une atmosphère « sacrée » (19/06/2006)

Ce mardi, Jacques Chirac doit inaugurer le musée du quai Branly et vendredi, le 23 juin, le grand public pourra enfin découvrir ce musée qui ambitionne à bon droit de devenir très rapidement un des trois grands musées parisiens avec le Louvre et le centre Pompidou. Ce week-end, il restera ouvert sans interruption du samedi matin au dimanche soir.

Celui qu'on appela un moment le musée des Arts premiers présente des collections d'objets venus des quatre continents : Afrique, Amérique, Océanie et Asie. Il possède 300000 pièces et présente dans sa section permanente 3500 objets. Il a coûté 235 millions d'euros et bénéficiera de 50 millions par an comme subsides de fonctionnement et de 2 millions par an pour l'achat de nouvelles oeuvres. Il espère d'emblée atteindre au moins un million de visiteurs par an.

26 caissons colorés

Le visiteur arrive par le quai Branly, le long de la Seine, au pied de la tour Eiffel qui domine le musée de toute sa hauteur. L'architecte Jean Nouvel a conçu une grande palissade de verre qui sépare le jardin du boulevard, comme il l'avait déjà fait pour la Fondation Cartier, à Paris, aussi. On pénètre alors dans le grand jardin de 18000m2, conçu par l'architecte paysagiste Gilles Clément. Certes, les essences sont jeunes et il faudra quelques années pour que ce jardin prenne sa dimension. Mais on chemine déjà entre les arbres, les pièces d'eau et surtout, les piliers posés de manière aléatoire et qui soutiennent l'immense pont-passerelle de 220m de long abritant le musée lui-même. Sur ses flancs rouges, côté Seine, 28 caissons multicolores sont accrochés à la masse. Toute la paroi est recouverte d'une peau de verre sur laquelle ont été sérigraphiées des photos des forêts du monde entier.

Arrivé à l'intérieur du musée, le visiteur monte un long chemin tout blanc, passant au-dessus de l'espace pour la grande exposition temporaire (vide pour l'instant) et longe un énorme cylindre de verre dans lequel sont stockés des milliers d'instruments de musique. Jean Nouvel a dessiné lui-même ce long chemin blanc ondoyant, geste architectural et manière d'amener le visiteur à quitter progressivement le monde extérieur pour plonger dans un autre art, plus secret. La réserve des instruments de musique est là pour rappeler que le musée est aussi un extraordinaire lieu de stockage et d'études des oeuvres d'arts premiers.

Arrivé à la grande galerie des expositions permanentes de 4500m2, le visiteur est accueilli par une superbe statue dogon, que le musée vient d'acquérir pour 4 millions d'euros grâce au mécénat d'Axa.

Espace sacré

Les intentions de Jean Nouvel étaient claires d'emblée : « Le bâtiment créé n'accueille pas des objets au sens traditionnel, nous avait-il expliqué,mais bien des objets qui ont une valeur sacrée, chargée de croyances et rappelant les ancêtres. Je voulais faire une galerie qui soit un espace sacré. Un lieu marqué par les symboles de la forêt, du fleuve et les obsessions de la mort et de l'oubli, un endroit habité, où dialoguent les arts ancestraux des hommes qui, découvrant la condition humaine, inventaient dieux et croyances. Le végétal aussi, y a une dimension sacrée que je donne par ce vitrail de 200m de long, un paysage des lieux où ces objets ont été fabriqués. Tout se joue sur la présence des objets dans les vitrines, tout est fait pour provoquer l'éclosion de l'émotion portée par l'objet premier ; pour le protéger de la lumière et pour capter le rare rayon de soleil indispensable à la vibration, à l'installation des spiritualités. »

Ce programme a été respecté à la lettre. Toute la scénographie a été construite autour des objets choisis. Le visiteur, plongé dans une atmosphère de forêt sacrée peut se promener dans le musée sans chemin précis même si, bien sûr, les objets sont soigneusement présentés par zones géographiques et par fonctions. Les 26 caissons encastrés dans les murs se révèlent être autant de lieux, imaginés cas par cas pour les objets africains, tantôt comme une cabane de sorcier, tantôt comme un sanctuaire. Le contact est direct avec les pièces exposées derrière de grandes vitrines de verre. Uniquement en français, les explications sont séparées. On les trouve d'abord en bref, sur le côté des vitrines. Puis, plus détaillées le long du fauteuil-serpent en cuir brun qui chemine sur toute la longueur du musée. On peut y voir aussi quantité de films ethnographiques passionnants. Le résultat est paradoxal, car d'un côté on veut cerner l'objet dans sa pure beauté esthétique en le détachant de son contexte ethnologique (au grand dam de certains ethnologues) et d'un autre côté on place l'objet dans une ambiance très forte, rappelant un imaginaire pays d'origine.



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